Les dénonciateurs se bousculent

Publié le 3 septembre 2021
La journaliste Claudia Rey s’interroge dans la «Neue Zürcher Zeitung» sur les penchants délateurs que suscite la crise du Covid. Elle déconseille aux autorités d’encourager les cafards.

Le commentaire commence par un fait divers. Une jeune femme a été violemment agressée sur un escalier roulant de la gare de Zurich. Personne n’a bougé. Même pas l’amie qui l’accompagnait.

Alors qu’il se trouve nombre de belles âmes qui se revendiquent du courage civique pour dénoncer les infractions aux règles sanitaires. La police zurichoise a reçu l’an passé 4’000 appels téléphoniques à ces fins. Un voisin qui reçoit trop de monde chez lui, telle ou telle personne qui ne porte pas le masque où il faudrait… La surcharge de travail des policiers ne permet pas toujours d’intervenir. Et ceux-ci appellent à la raison et à la retenue. Les délateurs restent le plus souvent anonymes. Quel courage!

En Nouvelle-Zélande la police a mis en place un site internet où chacun peut déverser ses dénonciations. Dans les premières 24 heures, il en arriva 4’000! En Allemagne les villes de Essen et Francfort ont eu la même idée. Il est possible d’y ajouter les photos des coupables de telles infractions. L’expéditeur peut rester anonyme. Grand succès.

Ces gardiens de la vertu administrative feraient mieux de s’adresser directement aux indisciplinés, pense un philosophe de la morale allemand, Stefan Gosepath. Mais il faut pour cela du courage.

Or celui-ci fait défaut. En particulier face à des situations graves comme une agression sexuelle. Une étude de l’institut Sotomo à Zurich fait apparaître que plus de 70% des personnes interrogées admettent que dans de telles circonstances, elles s’abstiendraient d’intervenir. La ville a mis en place un site qui permet aux femmes ainsi molestées de s’annoncer et à quiconque ayant remarqué un tel comportement de le faire aussi. Un simple clic!

Si la solidarité citoyenne est piteuse, la délation, elle a encore de beaux jours devant elle. Si la NZZ met en garde contre ces procédés, dissuade les autorités de les encourager, il se trouve une sociologue de l’université de Zurich, Katia Rost, pour affirmer: «Nous avons besoin de dénonciateurs parce qu’ils maintiennent les normes sociales.»


Lire l’article original.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Accès libre

Les fonds cachés de l’extrémisme religieux et politique dans les Balkans

L’extrémisme violent dans les Balkans, qui menace la stabilité régionale et au-delà, n’est pas qu’idéologique. Il sert à générer des profits et est alimenté par des réseaux financiers complexes qui opèrent sous le couvert d’associations de football, d’organisations humanitaires et de sociétés actives dans la construction, l’hôtellerie ou le sport. (...)

Bon pour la tête

Intelligence artificielle: les non-dits

On nous annonce une révolution avec l’arrivée invasive et fulgurante de l’IA dans nos vies, nos modes d’apprentissage et de production et, surtout, la mise à disposition de l’information immédiate et «gratuite» sans effort, objet central ici. Or nous ne mesurons aucunement ce que cela signifie vraiment.

Jamal Reddani

Transidentité: tapage exagéré?

Selon le site d’information lausannois «L’impertinent», l’intérêt démesuré des médias pour la transidentité relèverait d’une stratégie.

Jacques Pilet

Amis français, que vous arrive-t-il?

Les violences et les dérives constatées lors de la Fête de la Musique du 21 juin dernier en France expriment le mal profond d’un pays nostalgique et souffreteux.

Jacques Pilet
Accès libre

Combien de temps l’humanité survivrait-elle si l’on arrêtait de faire des enfants?

Suffit-il de calculer l’espérance de vie maximale d’un humain pour deviner combien de temps mettrait l’humanité à disparaître si l’on arrêtait de se reproduire? Pas si simple répond l’anthropologue américain Michael A. Little.

Bon pour la tête
Accès libre

Salutaires coups de fouet sur l’Europe

L’entrée fracassante de Trump sur la scène mondiale secoue le monde, l’Occident avant tout. Les Européens en particulier. Comment réagiront-ils dans les faits, une fois passés les hauts cris? L’événement et ses suites leur donnent l’occasion de se ressaisir. Pas tant sur l’enjeu militaire, pas aussi décisif qu’on ne le (...)

Jacques Pilet
Accès libre

La machine à milliardaires qu’est le private equity

L’économie mondiale produit une nouvelle génération de super-riches. D’où vient leur argent et qui paie les pots cassés, cela reste flou. L’exemple de Partners Group, qui jongle avec les entreprises et les milliards, laisse perplexe. L’économie réelle n’a que peu de place dans ces activités. La finance fiction est bien (...)

Bon pour la tête

L’embarras de nos enterrements

Mon père aimait les rites. Au bout de 93 ans d’une vie marquée du sceau de la chance, il s’en est allé paisiblement, laissant pour nous éclairer de maigres instructions pour ses funérailles. Fidèles à leur auteur, celles-ci mettaient le rite liturgique au premier plan, et le défunt au second. (...)

David Laufer
Accès libre

Quand le cinéma se fait trans

«Close to You» enregistre la transformation de l’actrice hollywoodienne Ellen Page («Juno») en l’acteur Elliot Page. Après sept ans de silence, le revoici donc dans l’histoire d’un trans canadien qui retourne dans sa famille après une longue absence. Mais malgré cette plus-value d’authenticité, ce petit film indépendant, sensible et bien (...)

Norbert Creutz
Accès libre

40 ans de traitement médiatique du viol: du fait divers au procès de la domination masculine

Parce qu’il met en cause 51 hommes de tous âges et de toutes professions, le procès des viols de Mazan tend à être présenté comme celui de la « domination masculine ». Alors que le viol a longtemps été considéré comme un problème d’ordre privé et individuel, cette interprétation sociologique marque une profonde (...)

Bon pour la tête
Accès libre

Le paysage contrasté de l’énergie vitale. Entre spleens et élans

Tout un pan de l’Europe péclote. La France d’abord, prise de vertige devant ses déficits abyssaux, paralysée par le cirque des ambitions politiciennes. L’Allemagne officiellement entrée en récession, sa légendaire industrie menacée par les coûts de l’énergie, les délocalisations aux Etats-Unis et la concurrence chinoise. Alors que la face sud (...)

Jacques Pilet
Accès libre

Comment le cerveau reconnaît-il les gens?

Entre les super-reconnaisseurs et les personnes incapables de reconnaître un visage, nous ne sommes pas égaux quant à la reconnaissance des visages. Plongeons dans le cerveau pour comprendre ce mécanisme essentiel à notre vie sociale.

Bon pour la tête
Accès libre

Affaire des viols de Mazan: le coup de gueule salutaire de Philippe Battaglia

Nous avons été nombreuses à nous indigner en apprenant les ignobles mésaventures de Madame Gisèle Pélicot, victime de son mari déviant pendant de longues années. Il est bon de constater que nous ne sommes pas seules, nous, les femmes, à avoir envie de vomir face à ce type d’attaque répétée (...)

Marta Czarska
Accès libre

Les guerres et nous

Avec quelle désinvolture vivons-nous, pour la plupart, ces jours menaçants. On s’est «habitué» aux conflits sanglants. Mais là, ils n’en finissent pas d’enfler, de s’étendre. Quels sont les ressorts profonds de cette escalade infernale? Les décideurs ont leurs visées. Et les opinions publiques, même fort loin des fronts, pourquoi et (...)

Jacques Pilet

Iran, la révolte des femmes

Avec «Les Graines du figuier sauvage», Mohammad Rasoulof signe un puissant réquisitoire contre le régime des mollahs iranien, en s’inspirant du mouvement des femmes qui avait fait suite au meurtre de la jeune Mahsa Amini par des «gardiens de la révolution». Mélange de frontalité et de subtilité, ce film qui (...)

Norbert Creutz
Accès libre

Au Moyen Age, l’état amoureux était parfois synonyme de maladie

Au Moyen Age, on définissait l’amour de différentes manières. D’un point de vue religieux, dans les textes bibliques et la littérature édifiante, il était synonyme de voluntas, c’est-à-dire de dévouement à l’autre. Mais l’amour était aussi synonyme de passion ou d’eros, conséquence de l’idéalisation de la personne aimée.

Bon pour la tête