Forfait fiscal: Berne serre la vis

Publié le 3 août 2018
Quelle pudeur – ou indifférence? – chez les Romands, face au système fiscal! L’ex-président de l’EPFL, Patrick Aebischer, dans la NZZ et Le Temps, pourfend le Tages-Anzeiger qui a osé parler du problème du forfait fiscal accordé au grand entrepreneur de St-Prex, président du conseil d’administration de Ferring. Nous l’avons fait aussi, sans attaquer le moins du monde cette personnalité à laquelle les Vaudois doivent beaucoup. Reste la question de fond, si peu abordée. Ce système est-il juste puisque réservé aux étrangers? Et comment l’appliquer? A quelles conditions? Nous ne sommes pas seuls à nous interroger. L’administration fédérale le fait depuis longtemps. Elle vient de publier une nouvelle réglementation sur le sujet, ce 24 juillet. Passée sous silence dans plusieurs de nos médias.

Au passage, on peut s’étonner – pour le moins – de la diatribe de Patrick Aebischer. Il loue Frederik Paulsen qui a été en effet très généreux pour la haute école et pas seulement pour elle: rien de plus normal. Mais comment le champion des nouvelles technologies peut-il dire tant de bien du forfait fiscal en soi? Ses émules qui créent des startups, eux, n’ont pas droit à cette faveur. Parce que beaucoup sont Suisses et parce que tous travaillent pour gagner leur vie. L’ex-président fait un curieux raisonnement: il justifie ce système par le fait que l’impôt sur la fortune qui, rappelons-le, porte aussi sur l’outil de travail, est particulièrement lourd en Suisse romande. Il faut donc y échapper. A condition d’être étranger et de n’avoir «aucun activité rémunératrice». Bizarre, non?

L’Administration fédérale des contributions vient de frapper un grand coup (circulaire du 24 juillet de l’AFC). Notamment sur les conditions permettant d’obtenir ou de garder le statut privilégié de l’impôt dit «d’après la dépense» et non pas, comme pour tout un chacun, sur la fortune et le revenu. Citons:

2.3 Etablissement en Suisse sans activité lucrative

Les personnes de nationalité étrangère qui, pour la première fois ou après une absence d'au moins dix ans, prennent domicile ou séjournent en Suisse au regard du droit fiscal, conformément à l’article 3 LIFD, sans y exercer d'activité lucrative, peuvent payer un impôt calculé sur la dépense en lieu et place de l'impôt sur le revenu.  

La personne qui était précédemment imposée d’après la dépense lors de son départ de Suisse et qui retourne en Suisse peut à nouveau être imposée selon la dépense, indépendamment du délai de dix ans précité.  

Exerce une activité lucrative qui exclut le droit à l'imposition d'après la dépense, la pers...

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