Radio-TV: ce qui pourrait changer

Publié le 13 février 2018
Le 4 mars annonce-t-il, même en cas de refus de l’initiative, une révolution à la SSR? Probablement. Parce que même sans ce psychodrame, elle aurait dû survenir, tôt ou tard. Parce que dans le grand chambardement médiatique, rien ne peut continuer comme avant. Car nous nous mettons tous à consommer images, sons, textes par des canaux nouveaux, avec des habitudes nouvelles même si les anciennes persistent.


A ne pas manquer: l’interview-vidéo de Gilles Marchand en fin d’article


Mais que se cache-t-il derrière le mot tant proclamé de «réformes» ? Chacun a sa petite idée. Il faudra bien qu’un cap soit fixé. Le directeur général de la SSR, Gilles Marchand, fait ouvertement part de ses vues. Le débat ne fait que commencer.

Premier constat. Le coût de la radio-télévision publique, même justifié par les prestations, apparaît trop élevé à la plupart des Suisses: ajouté au coût du câble, du téléphone portable, de tant d’autres offres, cela fait beaucoup. Le Conseil fédéral a donc décidé de baisser la redevance (qui passe à 365 francs en 2019) et de plafonner le budget de la grande maison. Celle-ci devra donc assumer ses tâches avec moins d’argent, c’est-à-dire, Marchand dixit, rationaliser la production des émissions, réduire les effectifs, tailler dans l’administration, dans l’informatique, partout où cela ne prive pas le public de ce qu’il attend. Et autre virage s’impose: renoncer à nombre d’investissements notamment immobiliers. Des temps très durs attendent les six mille collaborateurs de l’entreprise, déjà secoués dans cette campagne par un «stress test» existentiel d’une ampleur jamais vue.

Les pri-o-ri-tés

Supprimer des chaînes radio et TV? Ce n’est pas le problème, martèle Marchand. La question est celle des contenus. Leur répartition sur diverses fréquences entraîne des coûts négligeables avec les technologies nouvelles. Mais quelles priorités dans les programmes? C’est le point central.

Là aussi, il y aura du nouveau. Du côté de la télévision surtout. Longtemps, les chaînes publiques suisses ont eu une obsession: garder les parts de marché face à la concurrence étrangère. Quitte à utiliser les mêmes armes, les séries, les mêmes spectacles. Faut-il maintenant se recentrer sur ce qui relève spécifiquement du service public? Réponse: «Nous voulons nous recentrer sur ce qui fait notre différence.» Où et comment? Par l’information, bien sûr, qui aujourd’hui déjà, est bien présente et soutient les comparaisons internationales. Aussi et surtout par la culture. A fixer en priorité désormais! Gilles Marchand dit souhaiter renforcer la production de films. Un pays, estime-t-il, a aussi besoin de la fiction pour se faire une image de lui-même. Bonne nouvelle. Mais soit dit en passant, les talents d’ici suffiront-ils à relever le défi ?

Travailler avec d’autres

Couper dans les budgets, c’est nécessaire, mais innover, investir plus dans de nouveaux projets l’est tout autant pour rester vivant. Concrètement, cela veut dire pousser plus loin les expériences digitales. Rendre les contenus accessibles à tout moment et sur n’importe quel outil.

Et puis il existe d’autres ressources inexplorées aujourd’hui. Romands, Alémaniques et Tessinois échangent peu leurs programmes, produisent peu ensemble. Or le sous-titrage devient à la mode! On le voit sur les vidéos de youtube. Nous pouvons partir à l’exploration des perles de nos voisins. Et pourquoi pas enfin organiser des débats à l’échelle suisse où chacun parle sa langue avec des traductions? C’est lourd, mais ce peut être intéressant. 

L’un des reproches faits à la SSR, c’est son superbe enfermement. Là aussi, le message a passé. Le mot qui revient maintenant, c’est coproduction. Travailler non seulement avec les chaînes publiques françaises et allemandes comme aujourd’hui, mais désormais avec maints acteurs locaux. Les télés régionales, les journaux, les sites internet. Monter des projets ensemble.

Au public maintenant de se faire entendre!

Les éditeurs joueront-ils le jeu? Ici, la chatte a encore mal aux pieds. Les grands groupes zurichois doivent-ils, veulent-ils coordonner leurs efforts commerciaux avec la SSR pour faire face à la concurrence dévorante des géants américains (comme Ringier le fait, d’autres peut-être à l’avenir)? Ou va-t-on vers l’affrontement chacun pour soi sur le terrain fragile de la publicité? Un point névralgique: la SSR et Swisscom qui en savent beaucoup sur nos dadas communiqueront ces données à leurs partenaires ? Cela inquiète et irrite beaucoup de monde. 

On peut faire toutes sortes de reproches à la SSR, au mode de perception de la taxe, mais reconnaissons lui ce mérite: son directeur général ne manie pas la langue de bois. Au public maintenant de s’exprimer. D’abord en votant non le 4 mars. En se faisant entendre ensuite sur ce qu’il souhaite. Les oreilles sont plus ouvertes quelles ne l’ont jamais été. Quant aux casseurs du service public, laissons-les dans leurs rêves incohérents.


L’interview-vidéo de Gilles Marchand

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