Recyclage du plastique, trier le vrai du faux

Publié le 23 mai 2025

Le recyclage du plastique devrait conduire à une économie circulaire de celui-ci. Ce n’est que très partiellement le cas. – © CCNull

Le recyclage est-il la solution à la crise du plastique? «Oui», selon l'organisation Recypac soutenue par Nestlé, Migros, Coop et autres grandes entreprises. «Non», pour la Protection suisse des consommateurs et les organisations environnementales qui crient au mensonge et plaident pour un retour aux bouteilles réutilisables en verre.

Daniela Gschweng, article publié sur le site Infosperber le 20.05.2025, traduit et adapté par Bon pour la tête


Notre environnement est rempli de plastique, nous en avons même des particules dans le sang, les tissus et le cerveau. Nous sommes assis dessus – littéralement. Pourtant, aucune solution causale n’est en vue. Début décembre 2024, certains pays ont même refusé d’accepter un plafond de production mondial du plastique.

Le recyclage permettrait d’éliminer le problème, du moins selon l’industrie de production. Un cycle du plastique avec moins de déchets et moins de production nouvelle serait la solution. Cela semble séduisant. D’autant qu’en Suisse, le recyclage est encore minoritaire: à peine dix pour cent du plastique produit. Cependant, un système de collecte des déchets plastiques lancé par Recypac – l’organisation sectorielle suisse pour la mise en œuvre de l’économie circulaire des emballages plastiques et des cartons à boissons – devrait changer la donne.

Protection des consommateurs: «Retour au verre réutilisable!»

Derrière Recypac se trouvent des détaillants comme Migros et Coop, des fabricants de denrées alimentaires comme Nestlé et Emmi ainsi que l’Association suisse pour les infrastructures communales (ASIC). L’association sectorielle travaille sans but lucratif, écrit-elle sur son site Internet. La collecte se fera dans un sac poubelle séparé, similaire au sac jaune allemand. Les communes peuvent se porter candidates à la participation. Dans un premier temps, le recyclage se fera à l’étranger.

Le modèle est tout au plus un «faux cycle», critique en revanche la Protection suisse des consommateurs. Le recyclage du plastique n’a jamais été judicieux. Ne serait-ce que parce que chaque promesse de recyclage entraîne une augmentation de la consommation. L’intention des lobbies n’est généralement pas d’atténuer la crise du plastique, mais plutôt d’augmenter les bénéfices de l’industrie pétrolière.

La protection des consommateurs est d’accord avec de nombreuses organisations environnementales qui ne parlent plus que de «mensonges sur le recyclage». Pour eux, la solution existe déjà, il suffit de revenir à la bouteille de lait et au pot de yaourt, c’est-à-dire à un système réutilisable en verre. Une solution qui a fait ses preuves, même si elle ne permettra sans doute pas d’éliminer tout le plastique du commerce. Quoi qu’il en soit, recycler le plastique n’est pas rentable, et ceci pour plusieurs raisons.

Premièrement, il y a trop de plastiques différents

Les plastiques sont partout et on en trouve sous toutes les formes. Ils servent de structure de base, d’élément de construction, d’emballage, de fibre, etc. Voici les plus importants :

  • Le PE (polyéthylène) est le plus utilisé: films d’emballage, sacs à provisions, boîtiers, caisses… Selon sa transformation, il peut avoir différentes propriétés. On distingue le PEBD (polyéthylène basse densité) et le PEHD (polyéthylène haute densité).
  • Le PP (polypropylène) sert à la fabrication des gobelets, des fermetures, des barquettes et des films alimentaires, mais aussi du gazon synthétique, des valises et des meubles d’extérieur.
  • Le PVC (chlorure de polyvinyle) est utilisé sous forme rigide, par exemple dans les tuyaux, et sous forme souple pour les revêtements de sol ou les meubles.
  • Le PS (polystyrène ou polystyrène expansé) se retrouve dans les emballages ou les isolations.
  • Le PU (polyuréthane) est utilisé comme mousse, dans les peintures, les fibres et comme revêtement.
  • Le PET (polyéthylène téréphtalate) est le matériau de base des bouteilles en plastique, de nombreux films et fibres textiles.
  • Le PC (polycarbonate) est un plastique dur, résistant à la rupture, utilisé par exemple dans les bouilloires ou les bols en plastique.
  • Le PA (polyamide) sert de fibre textile, il est utilisé pour les cordes et les ficelles, mais aussi pour les ustensiles de cuisine, les brosses à dents et les objets ménagers.

Voir la liste complète des matières plastiques courantes sur Wikipedia.

Deuxièmement, les plastiques contiennent des dizaines de milliers d’additifs

Un plastique porte généralement un nom qui commence par «poly». Cela signifie qu’il est composé d’une matière de base qui est enchaînée plusieurs fois (poly) par voie chimique. Il en résulte de longues chaînes qui, en théorie, ressemblent à de la ficelle ou à des spaghettis, mais qui au microscope électronique s’apparentent plutôt à un buisson ramifié auquel seraient accrochés de nombreuses feuilles, fruits et même quelques plumes d’oiseaux. En termes chimiques, on peut dire qu’à la matière première s’ajoutent des dizaines de milliers d’additifs possibles, comme des colorants et des plastifiants, dont on ne connaît souvent même pas la nature exacte.

Troisièmement, le recyclage utile est quasiment impossible

Le recyclage de ce mélange est techniquement difficile, voire impossible, et n’est généralement pas rentable. Un bon recyclage du plastique n’a de sens que si le plastique contient peu d’additifs ou des additifs simples et qu’il est présent sous une seule forme. Par exemple de nombreuses bouteilles en PET claires et transparentes, de grandes quantités de même film plastique ou une montagne de caisses de la même couleur. Avant la réutilisation, il faut donc trier avec précision, ce qui est souvent un échec. Le plastique noir, par exemple, n’est pas reconnu dans les centres de tri et est donc incinéré. Pour toutes ces raisons, seul le PET est recyclé en Suisse.

Les consommateurs et consommatrices qui trient leurs déchets plastiques ne sont dès lors pas d’un grand secours. «Si une personne en Suisse mettait 70 pour cent de ses déchets plastiques dans une collecte sélective pendant un an, il en résulterait un bénéfice écologique équivalent au renoncement à une entrecôte de bœuf», affirme Greenpeace, qui qualifie le recyclage du plastique de «voie sans issue».

De son côté, Recypac indique que l’un de ses objectifs est de rendre les emballages plastiques plus faciles à recycler et fait la promotion de procédés de séparation avancés. Les matériaux composites tels que les cartons à boissons devraient également être recyclés.

Quatrièmement, le recyclage du plastique est plutôt du downcycling

Le downcycling signifie qu’un nouveau produit ne contient qu’une petite partie du plastique recyclé, car sa qualité n’est malgré tout pas suffisante. Le reste du produit recyclé peut devenir une poubelle ou un matériau d’isolation. Le verre ne présente pas cet inconvénient, ou alors dans une bien moindre mesure. Recypac indique toutefois que: «Le plastique recyclé peut être utilisé, entre autres, dans la construction et le jardin (tuyaux, joints, récipients, pots de fleurs), dans les emballages non alimentaires (produits de nettoyage), dans le domaine de la logistique (caisses, palettes, bouteilles), dans l’industrie automobile (composants, rembourrages), pour les biens à usage domestique, professionnel et commercial (seaux, cintres) et dans l’industrie de l’habillement (textiles, polyester)».

Contre la crise du plastique: économiser les emballages alimentaires, consommer local

Il est difficile de se passer de certains plastiques, ou alors leur abandon entraînerait d’autres coûts écologiques. Mais s’il est un domaine dans lequel il serait facile de changer ses habitudes, c’est bien celui des emballages alimentaires jetables. Une bouteille en verre peut être remplie jusqu’à 50 fois. De plus, elle ne contient pas de produits chimiques nocifs pour la santé qui pourraient passer dans son contenu, sauf peut-être dans le couvercle.

En revanche, il est financièrement et écologiquement coûteux de nettoyer et de transporter des récipients en verre. Un verre plus léger et incassable pourrait faire pencher la balance. Car si la fabrication de verre super résistant est tombée dans l’oubli, la technologie actuelle connaît un renouveau.

Par ailleurs, pour un meilleur bilan écologique, le marché devrait impérativement se transformer – vers une structure de transport et de commercialisation plus régionale avec le moins d’emballage possible, des systèmes pratiques de consigne et de retour. Y compris pour les contenants en plastique qui pourraient alors être utilisés plusieurs fois. Le secteur n’est guère enthousiaste face à de telles approches. Mais les premières solutions réutilisables, comme les gobelets à café, existent déjà.

L’approche de Recypac est-elle pour autant mauvaise? Non, dans le meilleur des cas, elle conduira à un taux de recyclage plus élevé. Mais elle ne résout pas le problème de fond: trop de production de plastique, qui plus est à usage unique.


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