Vrais poils, fausses toisons pubiennes, la société du spectacle prospère

Publié le 2 février 2024

Il ne s’agit bien sûr pas d’une toison pubienne mais d’un tapis… Un simulacre de plus. – © DR

Lors d’un défilé de mode, les mannequins portaient des postiches faits de vrais poils pubiens, brodés à la main et «plus vrais que nature». Ce n’est sans doute pas ça qui a motivé l’évasion d’un macaque japonais d’un zoo écossais, quoi que… Pendant ce temps, une chimiste américaine choque les Britanniques en mettant du sel dans son thé.

Au milieu des nouvelles habituelles qui déclenchent souvent des commentaires «réflexes», il y en a de plus surprenantes, de plus insolites qui poussent parfois à la réflexion. C’est le cas cette semaine avec ces trois actualités.

Simulacres

«Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation.» Cet aphorisme de Guy Debord, tiré de La société du spectacle, date de 1967 mais il est toujours plus actuel. Il signifie, en gros, que la vraie vie est absente, remplacée par des simulacres. On le constate en effet tous les jours: «Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles.» Une preuve de plus en a été donnée au défilé haute couture de Maison Margiela, où «la perruque pubienne, dite « Merkin », s’est illustrée comme l’accessoire phare», relate Madame Figaro. Le couturier John Galliano a fait défiler des femmes au teint de porcelaine portant des corsets très serrés, les seins dévoilés sous des voiles transparents, affublées de fausses toisons pubiennes. Des sortes de poupées impudiques, donc. Chacun et chacune jugera de la pertinence de cette représentation. Concernant les toisons pubiennes, Madame Figaro pose la question: «Alors quid de ces toisons denses et drues, légèrement voilées par du tulle ou de la dentelle, vues au défilé Maison Margiela?» Et y répond: «Plus vraies que nature! Pour donner cette impression réelle, ces Merkins ont en effet été réalisés à partir de vrais poils pubiens, et brodés à la main.» Après avoir encouragé les femmes à s’en débarrasser – une bien triste déforestation – voilà que la mode les affuble de fausses toisons. Debord avait définitivement raison.

La grande évasion

C’est à la fois triste et réjouissant. S’évader, ça veut dire tout à la fois qu’on était prisonnier et qu’on a trouvé de l’énergie pour se libérer. «Un macaque japonais s’est échappé du Highland Wildlife Park en Ecosse», annonce le Huffpost. Ça s’est passé le 28 janvier, l’animal a réussi à tromper la vigilance des gardiens alors qu’il partageait un enclos avec une trentaine d’autres singes. Qu’est-ce qui a motivé cette évasion? La nostalgie du Japon?, une dispute avec un congénère?, un chagrin d’amour?, la mauvaise qualité de la nourriture?, des maltraitances? Peut-être tout simplement un irrépressible besoin de liberté. Il est intéressant de se poser la question car elle nous renvoie à ce qui nous donnerait, à nous, envie de nous évader. A ce qui nous empêche de le faire ou au contraire nous y encourage. «Notre équipe de gardiens va patrouiller dans la zone et utiliser différentes techniques pour essayer de l’amadouer», a déclaré un des responsables du Highland Wildlife Park, qui utilise notamment des images récoltées par des drones avec des caméras thermiques détectant le mouvement. Si ce macaque, un de nos cousins, a réussi à se libérer, nous aussi devrions être capables de le faire, non? «Les responsables du Highland Wildlife Park espèrent que le singe retournera de lui-même dans le parc s’il ne parvient pas à trouver de la nourriture tout seul», conclut le Huffpost. C’est peut-être ça qui nous retient, nous aussi, de choisir définitivement la liberté…

A chacun et chacune sa «cup of tea»

Une chimiste américaine a affirmé qu’ajouter un peu de sel dans du thé qui a trop infusé permet d’en atténuer l’amertume. Elle a aussi déclaré qu’il était bien d’y ajouter un peu de lait tiède et de préchauffer la tasse ou la théière pour augmenter la quantité d’antioxydants dans la boisson. «Du sel et du lait tiède pour « un thé parfait »: la recette d’une chimiste américaine vire à l’incident diplomatique», titre le quotidien français Sud Ouest. Ça a choqué en Angleterre, où on ne met que du lait froid dans le thé, surtout pas de sel. «Cette boisson est une institution culturelle au Royaume-Uni, où l’on estime à 100 millions le nombre de tasses bues chaque jour», explique la BBC, qui précise que la chimiste, la professeure Michelle Francl, invite les Britanniques amateurs de thé à faire preuve d’ouverture d’esprit avant de préjuger de ses recherches, qu’elle a consignées dans son nouveau livre, Steeped: The Chemistry of Tea, publié par la Royal Society of Chemistry.» Cette nouvelle n’est bien sûr pas aussi anecdotique qu’il y paraît. Elle parle de ce que nous considérons comme impossible à changer, à expérimenter, parce que le changement nous fait une peur bleue et que nous nous accrochons à ce qui existe, rassurés par une permanence fantasmée, sans doute par peur de la mort. Or mourir, c’est inéluctable; alors, comme le dit Michelle Francl à propos du sel dans le thé, «il n’y a pas de mal à expérimenter.»

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