Roman

Un western philosophique où les balles sont des concepts
Le dernier livre d’Alessandro Baricco, «Abel», se déroule au Far West et son héros est un shérif tireur d’élite. Il y a bien sûr des coups de feu, des duels, des chevaux, mais c’est surtout de philosophie dont il s’agit, celle que lit Abel Crow, celle qu’il découvre lors de ses rencontres. Un roman formidable!

Quand Giuliano Da Empoli s’en prend aux nouveaux prédateurs
A l’inquiétude croissante et confuse qui prévaut aujourd’hui, l’essayiste, en homme de grande expérience «sur le terrain», observateur lucide nourri d’Histoire et dont le présent récit foisonne d’anecdotes significatives, oppose sa lucidité d’esprit libre en nous promenant du siège new yorkais de l’ONU aux coulisses machiavéliennes de Riyad ou Washington, partout où les conquistadors de la tech dament le pion aux politiques. Le tableau fait froid dans le dos, dont l’intelligence sans artifice revigore pourtant...

Deux écrivains algériens qui ne nous parlent que de l’humain
Kamel Daoud, avec «Houris» (Prix Goncourt 2024) et Xavier Le Clerc (alias Hamid Aït-Taleb), dans «Le Pain des Français», participent à la même œuvre de salubre mémoire en sondant le douloureux passé, proche ou plus lointain, de leur pays d’origine. A l’écart des idéologies exacerbées, tous deux se réfèrent, en écrivains-poètes inspirés, à des figures féminines d’innocence, victimes parentes de la violence atroce et du déni, avec le même refus du ressentiment vengeur…

Quand Julien Sansonnens décrit juste une vie dans «Une vie juste»
Après avoir traité de sujets plus dramatiques en apparence, comme dans «L’Enfant aux étoiles» évoquant la tragédie de l’Ordre du Temple solaire, l’écrivain sonde les eaux semblant paisibles, voire stagnantes d’une vie de couple approchant de la cinquantaine, mais les Suisses au-dessus de tout soupçon risquent, eux aussi, de se prendre une tasse…

Quand le «Tout» abuse par trop des généralités négatives
Dystopie évoquant l’emprise globale d’un empire numérique à l’américaine, le dernier roman de Dave Eggers, après «Le Cercle», tient de la visite guidée aux enfers suaves du virtuel pavés de bonnes intentions imposées à chacune et chacun par le nouveau Big Brother. Bien vu dans une foison de détails, dont l’accumulation contraste hélas avec le vide des personnages «juste sympas »…

L’Amérique de Trump risque-t-elle de comploter contre elle-même?
Une fiction historico-politique mémorable de Philip Roth, «Le complot contre l’Amérique», évoquant le flirt du héros national Charles Lindbergh, «présidentiable», avec le nazisme, et deux autres romans récents de Douglas Kennedy et Michael Connelly, incitent à une réflexion en phase avec l’actualité. Est-ce bien raisonnable?

Un OVNI littéraire tombe sur la Suisse. Gros dégâts
Les Editions Zarka publient «Samira au pouvoir» de la mystérieuse Daniela Cattin, une autrice jurassienne, parait-il. L’intrigue de son récit débute le 1er août, sur la prairie du Grütli, avec la découverte d’un mort nu, percé à l’arbalète, attaché contre un arbre.

Tout à la fois fée et sorcière, Rose-Marie Pagnard nous enchante
L’esprit d’enfance, où la fantaisie transfigure le quotidien, imprègne «L’enlèvement de Sarah Popp», merveille d’imagination poétique et de douce folie humoristique sublimant la platitude et les épreuves de la vie. Au premier rang des romanciers-poètes de la francophonie, la Jurassienne fait irradier «la lumière sous chaque mot».

«Les pires amis», ce faux roman plombé par la réalité
Usant (et abusant peut-être) d’un procédé d’identification à la Houellebecq, l’ancien espion du KGB Sergueï Jirnov, publié par Istya & Co (Slatkine) nous plonge dans les enfers des meilleurs ennemis que seraient Vladimir Poutine et Kyrill le patriarche de toutes les Russies. Mortellement captivant...

Carole Lobel: la rédemption par le dessin
Patiente exploration d’une double aliénation, celle du parasite mâle et de sa victime femelle, porté par un dessin minimaliste et expressif, le roman graphique «En territoire ennemi» de Carole Lobel décrit les mécanismes qui mènent progressivement une jeune femme à l’isolement, et son compagnon à une idéologie masculiniste d’extrême droite.

La chevauchée de Maryssa Rachel sur son polar
Vous êtes un peu lassés de côtoyer des gens raplapla, le visage monotone, le propos attendu? Alors faites une cure en lisant l’écrivaine et photographe Maryssa Rachel. Son dernier livre se dit polar mais va bien au-delà de la trame, de la traque des criminels.

Quand papa deale et maman ment
Dans son premier roman, «Quand papa est tombé malade», la jeune autrice Marilou Rytz se glisse dans la peau d'une adolescente dont le père a été incarcéré pour trafic de drogues. Les parents décident de ne rien dire au petit frère de la narratrice. Peu à peu, celle-ci en vient à questionner la pertinence de ce choix et à observer des signes de mal-être de plus en plus évidents chez celui qu’elle surnomme tendrement le puceron. Entretien.

Quentin Mouron nous introduit aux fluides enfers de l’agréable
En phase avec son époque, dont il capte l’esprit et décrypte les codes et les fantasmes, tout en rompant avec son conformisme de masse, l’écrivain nous revient avec un roman-scanner d’une pénétration psycho-sociologique saisissante, sur fond de comédie sociale branchée, avec un titre aussi insolite et poétiquement pertinent que ceux de ses ouvrage précédents: «La dernière chambre du Grand Hôtel Abîme».

Si vous rêvez de Tombouctou, c’est en vous que gît le trésor
Ravivant la fraîcheur de nos lectures de jeunesse, avec le supplément d’âme de la maturité, le nouveau roman «africain» de René Zahnd, «Le Trésor des Mandingues», nous entraîne dans un périple à double valeur d’hymne à l’amitié, ponctué de belles rencontres humaines, et d’exploration sur le terrain et par l’écrit d’une Afrique méconnue dont le parcours relève de la quête initiatique, sous le patronage occulte de Blaise Cendrars.

Le beau roman qui ressaisit un accompagnement vital
Un voisinage banal que la maladie transforme en relation aussi profonde que superficielle en apparence: c’est la trame du nouveau livre de Catherine Lovey, intitulé «histoire de l'homme qui ne voulait pas mourir» et gratifié du Prix Dentan 2024. Un roman-miroir qui nous renvoie à chaque page à nos vies et aux liens se tissant avec notre trop souvent lointain prochain.

La nécessité de témoigner par «Anima»
Souffle de poésie, d’horreur et de vérité romanesque ayant donné vie à un ouvrage qui aura mis plus de dix ans à la recevoir, cette vie: «Anima» (2012). Dernier roman en date du dramaturge Wajdi Mouawad paru il y a près de douze ans, «Anima» reste plus que jamais d’actualité. Dans ses pièces ou ses romans, il demeure toujours une expérience unique trépidante à vivre. C’est bien le cas ici, près de cinq-cents pages durant. Regard.