Que faire d’un passé qui ressurgit et qui n’est pas le nôtre?

Publié le 18 mars 2022
Le jour où il voit une photo de son père en uniforme de la Waffen SS, le Lausannois Alex Mayenfisch reçoit comme un coup de massue. Ce père, mort depuis longtemps, menait de son vivant des activités assez mystérieuses. «Trois secrets, trois guerres, un papa» est le récit, écrit et dessiné, de la confrontation de l’auteur avec les secrets de sa famille. C’est sobre, documenté, factuel et étonnant.

Voilà un livre étrange, et c’est tant mieux. Un récit entre textes et dessins, ce n’est pas inhabituel aux Cahiers Dessinés, mais ce ton, cette construction narrative, ce style… Alex Mayenfisch est un des fondateurs, en 1985, de l’association Climage, un collectif de cinéastes indépendants «possédant une forte conscience sociale et historique». Il a notamment réalisé des documentaires sur le début des vacances payées pour les ouvriers suisses, sur les chômeurs, sur l’usine Iril de Renens, le droit à l’avortement, l’émergence de la conscience écologique ou encore les prémices de Mai 68 en Suisse.
Aujourd’hui, c’est un documentaire sur lui-même qu’il livre avec Trois secrets, trois guerres, un papa, édité aux Cahiers Dessinés, un documentaire sur l’histoire de son père, dont il a découvert très tard, bien après sa mort, qu’il avait fait partie de la Waffen SS. Un documentaire qu’il a dessiné et écrit de manière sobre et factuelle.
«Né en 1924 à Berlin, d’un père suisse, ingénieur représentant des firmes helvétiques, et d’une mère allemande, il [le père d’Alex Mayenfisch] a un frère de deux ans son cadet. En 1927, la famille déménage à Paris où son père ouvre un bureau d’ingénieur. En 1939, il est envoyé une année en internat en Suisse.»
Un père souvent absent et aux activités mystérieuses
Le livre débute en 1960, quand la famille de l’auteur, qui a alors six ans, est à nouveau réunie après une longue absence à l’étranger des parents. Alex Mayenfisch parle de lui comme «l’enfant», de son père comme «le père» et de sa mère comme «Maman». Ces dénominations sont importantes, elles permettent d’appréhender différentes distances, plus ou moins grandes, entre l’auteur et lui-même dans son récit, entre les personnages de celui-ci. Il n’y a aucun narcissisme dans Trois secrets, tr...

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