Qu’en pensent les personnes les plus vulnérables?

Publié le 11 avril 2020

Saint Jérôme écrivant par Le Caravage (1606), galerie Borghèse.

La réanimation ou la cigüe? Roland Jaccard a fait son choix.

Le gouvernement, sans doute bien intentionné, prend des mesures de plus en plus drastiques en vue de protéger les personnes les plus vulnérables – celles souffrant de pathologies sévères et celles qui ont atteint la limite au-delà de laquelle leur ticket n’est plus plus valable. Un beau geste de solidarité, apprécié par les âmes charitables. Encore faut-il que ces mesures soient efficaces. Ne préjugeons de rien. A la fin du match, on aura tout loisir de commenter les stratégies mises en œuvre.

Il est pourtant une question que personne ne se pose vraiment: les vieillards et les handicapés souhaitent-ils vraiment qu’on prolonge leur calvaire? A titre personnel (je précise que j’ai près de quatre-vingt ans), je réponds: non. Et je sais que je ne suis pas le seul. Entre la réanimation et le cocktail létal, je choisis sans hésitation la mixture qui m’enverra ad patres. En accord avec Sénèque, je dirais que «ce qui est un bien, ce n’est pas de vivre, mais de vivre bien».

«Faut-il quitter la vie?», s’interroge l’empereur philosophe Marc-Aurèle. Il importe de se poser la question avant que la vieillesse n’obscurcisse la pensée, répond-il. A quoi bon allonger une vie qui doit de toute manière aboutir à une triste fin, alors que l’on a compris, pour paraphraser l’Écclésiate, que tout ne passe que pour revenir. Vivre n’est pas seulement douloureux, c’est vain. Certes, chacun se fuit toujours…mais à quoi bon, si l’on n’échappe pas à soi?

Une intégrité physique et mentale nous donne un élan vital susceptible de nous procurer bien des plaisirs et de nous éviter ce genre de questions. Mais l’heure sonne vite où il n’est plus possible de les esquiver. Et dans des situations d’urgence comme celle que
nous vivons – il y en eut de bien pires dans le passé –, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les sacrifices auxquels consentent les citoyens et le corps médical n’ont de sens que si celles et ceux qui sont pris en charge le veulent vraiment. Leur offrir la possibilité de mourir en douceur, sans prolonger leur agonie, me semble tout aussi charitable. Sinon plus. Et raisonnable pour chacun, de surcroît.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Culture

La France et ses jeunes: je t’aime… moi non plus

Le désir d’expatriation des jeunes Français atteint un niveau record, révélant un malaise profond. Entre désenchantement politique, difficultés économiques et quête de sens, cette génération se détourne d’un modèle national qui ne la représente plus. Chronique d’un désamour générationnel qui sent le camembert rassis et la révolution en stories.

Sarah Martin
Culture

Stands de spritz et pasta instagrammable: l’Italie menacée de «foodification»

L’explosion du tourisme gourmand dans la Péninsule finira-t-elle par la transformer en un vaste «pastaland», dispensateur d’une «cucina» de pacotille? La question fait la une du «New York Times». Le débat le plus vif porte sur l’envahissement des trottoirs et des places par les terrasses de bistrots. Mais il n’y (...)

Anna Lietti
Politique

Les penchants suicidaires de l’Europe

Si l’escalade des sanctions contre la Russie affaiblit moins celle-ci que prévu, elle impacte les Européens. Des dégâts rarement évoqués. Quant à la course aux armements, elle est non seulement improductive – sauf pour les lobbies du secteur – mais elle se fait au détriment des citoyens. Dans d’autres domaines (...)

Jacques Pilet
Santé

L’histoire des épidémies reste entourée de mystères et de fantasmes

Les virus n’ont pas attendu la modernité pour bouleverser les sociétés humaines. Dans un livre récent, les professeurs Didier Raoult et Michel Drancourt démontrent comment la paléomicrobiologie éclaire d’un jour nouveau l’histoire des grandes épidémies. De la peste à la grippe, du coronavirus à la lèpre, leurs recherches révèlent combien (...)

Martin Bernard
Culture

Un selfie dans l’ascenseur

Notre obsession du selfie n’est pas purement narcissique, il s’agit aussi de documenter notre présent par le biais d’un langage devenu universel. Quant aux ascenseurs, ce sont des confessionnaux où, seuls, nous faisons face à nous-mêmes.

David Laufer
PolitiqueAccès libre

Extrême droite et antiféminisme: pourquoi cette alliance séduit tant de jeunes hommes

L’antiféminisme est l’un des principaux axes de mobilisation politique de l’extrême droite et il séduit de nombreux jeunes hommes. Il s’exprime notamment sur les réseaux sociaux, à travers des discours masculinistes qui promettent de rétablir un ordre supposé naturel entre hommes et femmes.

Bon pour la tête
Sciences & Technologies

Intelligence artificielle: les non-dits

On nous annonce une révolution avec l’arrivée invasive et fulgurante de l’IA dans nos vies, nos modes d’apprentissage et de production et, surtout, la mise à disposition de l’information immédiate et «gratuite» sans effort, objet central ici. Or nous ne mesurons aucunement ce que cela signifie vraiment.

Jamal Reddani
Culture

Transidentité: tapage exagéré?

Selon le site d’information lausannois «L’impertinent», l’intérêt démesuré des médias pour la transidentité relèverait d’une stratégie.

Jacques Pilet
Sciences & TechnologiesAccès libre

Combien de temps l’humanité survivrait-elle si l’on arrêtait de faire des enfants?

Suffit-il de calculer l’espérance de vie maximale d’un humain pour deviner combien de temps mettrait l’humanité à disparaître si l’on arrêtait de se reproduire? Pas si simple répond l’anthropologue américain Michael A. Little.

Bon pour la tête
PolitiqueAccès libre

Salutaires coups de fouet sur l’Europe

L’entrée fracassante de Trump sur la scène mondiale secoue le monde, l’Occident avant tout. Les Européens en particulier. Comment réagiront-ils dans les faits, une fois passés les hauts cris? L’événement et ses suites leur donnent l’occasion de se ressaisir. Pas tant sur l’enjeu militaire, pas aussi décisif qu’on ne le (...)

Jacques Pilet
EconomieAccès libre

La machine à milliardaires qu’est le private equity

L’économie mondiale produit une nouvelle génération de super-riches. D’où vient leur argent et qui paie les pots cassés, cela reste flou. L’exemple de Partners Group, qui jongle avec les entreprises et les milliards, laisse perplexe. L’économie réelle n’a que peu de place dans ces activités. La finance fiction est bien (...)

Bon pour la tête
Culture

L’embarras de nos enterrements

Mon père aimait les rites. Au bout de 93 ans d’une vie marquée du sceau de la chance, il s’en est allé paisiblement, laissant pour nous éclairer de maigres instructions pour ses funérailles. Fidèles à leur auteur, celles-ci mettaient le rite liturgique au premier plan, et le défunt au second. (...)

David Laufer
CultureAccès libre

Quand le cinéma se fait trans

«Close to You» enregistre la transformation de l’actrice hollywoodienne Ellen Page («Juno») en l’acteur Elliot Page. Après sept ans de silence, le revoici donc dans l’histoire d’un trans canadien qui retourne dans sa famille après une longue absence. Mais malgré cette plus-value d’authenticité, ce petit film indépendant, sensible et bien (...)

Norbert Creutz
CultureAccès libre

40 ans de traitement médiatique du viol: du fait divers au procès de la domination masculine

Parce qu’il met en cause 51 hommes de tous âges et de toutes professions, le procès des viols de Mazan tend à être présenté comme celui de la « domination masculine ». Alors que le viol a longtemps été considéré comme un problème d’ordre privé et individuel, cette interprétation sociologique marque une profonde (...)

Bon pour la tête
EconomieAccès libre

Le paysage contrasté de l’énergie vitale. Entre spleens et élans

Tout un pan de l’Europe péclote. La France d’abord, prise de vertige devant ses déficits abyssaux, paralysée par le cirque des ambitions politiciennes. L’Allemagne officiellement entrée en récession, sa légendaire industrie menacée par les coûts de l’énergie, les délocalisations aux Etats-Unis et la concurrence chinoise. Alors que la face sud (...)

Jacques Pilet
Sciences & TechnologiesAccès libre

Comment le cerveau reconnaît-il les gens?

Entre les super-reconnaisseurs et les personnes incapables de reconnaître un visage, nous ne sommes pas égaux quant à la reconnaissance des visages. Plongeons dans le cerveau pour comprendre ce mécanisme essentiel à notre vie sociale.

Bon pour la tête