Les Australiens n’ont plus la foi: quelles conséquences pour la société?

Publié le 8 juillet 2022

Manifestation contre le « Bigot Bill », la loi sur les discriminations religieuses, le 9 février dernier à Melbourne. – © Mark Hrkac

Les résultats du dernier recensement sont nets: la part des Australiens se déclarant «sans religion» a augmenté, de 30 à près de 39% en six ans, ce qui fait désormais des athées le second groupe «religieux» du pays. Pour quelles conséquences dans la vie sociale et politique? C’est la question à laquelle répond un article paru en anglais dans «The Conversation».

Dans le même temps, la part des chrétiens a diminué, passant de 52 à 44% de la population. L’auteure, l’universitaire australienne Renae Barker, relève qu’il s’agit d’une des nombreuses manifestations de l’identité «séculière» de ce pays de 25 millions d’habitants. 

Le plus intéressant à observer, selon elle, ce sont les changements sociétaux et législatifs qui se sont produits à mesure que l’athéisme progressait. 

Une décennie auparavant, raconte-t-elle, dans les cours de droit qu’elle donnait à l’université, les arguments en faveur et en défaveur du mariage pour tous étaient débattus, certes… mais sur un plan purement théorique. L’accélération en termes de «loi morales» est à situer autour de l’année 2017. En décembre, la définition légale du mariage est amendée pour inclure les couples de même sexe. Et ce n’est là que «la partie émergée de l’iceberg», appuie Renae Barker. 

Depuis cinq ans, plusieurs Etats australiens ont également légiféré sur l’euthanasie (pour l’autoriser), tous ont décriminalisé l’avortement. Ces avancées du droit sont à mettre sur le compte du recul de la foi et de son influence sur la sphère publique. 

Le paradoxe, c’est que le débat sur la liberté religieuse agite toujours la société. En cause, la loi sur les discriminations religieuses, qui permet paradoxalement à des discours haineux (envers les personnes LGBTQ+, les femmes, les minorités ethniques…) de prospérer sous couvert d’être dictés par la foi, et au nom de la liberté religieuse. Un état de fait dénoncé en particulier par les activistes LGBTQ+, qui soulignent que toute forme de discrimination est inacceptable. 

A ce stade, et en attendant les chiffres d’un prochain recensement, l’auteure de l’article souligne que même si la part des personnes sans religion est en forte augmentation, celles s’identifiant comme chrétiennes restent les plus nombreuses. D’autre part, la diversité religieuse est également en hausse. Les débats sur le Religious Discrimination Act ne sont donc pas près de s’éteindre, et cette diversification des croyances pose même un défi supplémentaire pour concilier tolérance, liberté de culte et remparts légaux contre les discriminations et la haine. La séculière et désormais plutôt libérale Australie devra aussi apprendre à inclure ses minorités religieuses et ne pas négliger la majorité chrétienne.


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