La mystique de la révolte

Publié le 21 octobre 2019

Manifestants devant l’aéroport d’El Prat, à Barcelone, le 14 octobre. – ©Bernat Armangue / AP

Vertigineuse escalade. Au lendemain du jugement des dirigeants séparatistes, accusés d’avoir organisé le référendum illégal et bidonné d’octobre 2017, tous les soirs, c’est l’émeute. Vendredi une manifestation monstre. Un demi-million de personnes venues en grande partie de la province. Et aussitôt les dérapages violents, les heurts avec les «Mossos». Mais où conduit cette explosion de colère? Au pire. Barcelone connaît déjà le déclin. Son image si plaisante, de sécurité et de tolérance, c’est fini.

Depuis quelques mois, le conflit paraissait un peu apaisé. Le premier ministre espagnol Pedro Sanchez n’a pas le ton cassant de son prédécesseur. Il cherche le dialogue, prêt à revoir le statut d’autonomie, déjà très large, aux marges de compétences comparables aux cantons suisses. Mais il est sous pression à l’approche des élections générales de novembre, pris entre l’extrême-gauche (Podemos) et la droite dure (PP et Vox). Face au pouvoir de Madrid, les séparatistes sont divisés. Leurs dirigeants sont en prison, ou exilés en Belgique et en Suisse, sur place, ils ne cessent de s’opposer entre eux. Le président du gouvernement catalan, Quim Torra, est totalement isolé, impuissant, lâché par son équipe. Un jour il dit «comprendre» les violences, le lendemain, il les condamne du bout des lèvres. Tant qu’il ne le fera pas clairement, le premier ministre Pedro Sanchez «ne le prendra pas au téléphone.»

L’impasse politique jette donc la foule dans la rue et déchaîne les ultras, les casseurs de tout poil. Les divisions se creusent chaque jour un peu plus. Il faut rappeler que le dernier sondage, commandé par le «Govern» catalan, indique que 48,3% des habitants de la région sont opposés à l’indépendance, 44% lui sont favorables, toutes tendances confondues. A Barcelone même, une claire majorité s’y oppose. Et pour cause… Les dégâts, depuis deux ans, sont immenses.

Des dizaines d’entreprises, inquiètes, ont déplacé leurs sièges ailleurs en Espagne. Le chômage augmente. Les jeunes sont désemparés. Les hautes écoles attirent moins d’étudiants étrangers et hispanophones,...

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