L’art jubilatoire et jaculatoire d’Armand Avril

Publié le 7 mars 2025
A 99 ans, l’artiste lyonnais expose ses nouvelles créations à la galerie RichterBuxtorf de Lausanne. Des chats et des chattes, et aussi des palmiers à la forme sans équivoque. Diverses techniques sont utilisées – peinture, collages, encre… – et les supports sont d’anciens sacs de farine ou des pages de magazines. Bienvenue dans le joyeux monde d’un irréductible esprit libre.

Sur les murs de la galerie RichterBuxtorf, les œuvres d’Armand Avril ouvrent des portes vers l’imaginaire. Le visiteur n’est plus à Lausanne, il baguenaude dans un paysage coloré où se croisent des chats coquins et des chattes taquines – à moins que ce soit l’inverse – sous des palmiers bien érigés dont les feuilles font comme un jet. Les œuvres, toutes verticales, sont composées de peinture, d’encre, de papiers découpés, de colle parfois… Les chats et les chattes ont pour support d'anciens sacs de farine, les palmiers des pages de magazines. C’est très gai, tout à fait insolent, délicieusement inconvenant, joyeusement libidineux.
Conversation téléphonique
Armand Avril est âgé de 99 ans, il vit à Cotignac, un village du Var, dans une maison qui est un vrai capharnaüm comme on a pu le constater lors d’une facétieuse conversation à distance via un appel vidéo durant lequel l’artiste n’a pas cessé de rire.
− Bonjour, vous allez bien?
− On s’en fout. Je vais bientôt crever. Pose tes questions!
− Les palmiers qui sont exposés à Lausanne, ils ressemblent à…
− Ce sont des palmiers. Il y en avait à Cotignac, ils étaient malades et on les a coupés.
− Oui, mais ceux que vous avez peints, ils ressemblent…
− Ils ressemblent à des bites qui éjaculent, oui. J’ai vu les palmiers et ça m’a fait penser à ça…
− Est-ce en rapport avec le fait que Cotignac, où vous vivez, est un lieu de pèlerinage pour les couples qui veulent faire des enfants mais n’y parviennent pas?
− Je n’en ai rien à foutre des enfants! Je préfère les mamans…
Nous ne transcrirons pas l’entier de la conversation pour épargner les oreilles prudes et délicates. Ce que l’on peut dire, c’est qu’il y a quelque chose de jaculatoire dans l’œuvre d’Armand Avril: «un jaillissement intérieur intense, exalté, lyrique», une prière...

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