Coronavirus en Equateur: la faillite des services funéraires

Publié le 4 avril 2020
Nathalie Gallón, journaliste pour CNN au Mexique et en Amérique latine, documente une situation apocalyptique en Equateur, pourtant loin d’être un pays sous-développé.

Guayaquil, dans l’ouest du pays, est une cité surpeuplée: plus de 2 millions d’habitants sur les 17 millions que compte l’Equateur.

Capitale économique et principal port commercial, la ville est aujourd’hui désertée. On n’y croise que quelques personnes, vaquant à des occupations essentielles, et, glaçante nouveauté, des morts, reposant à même les trottoirs. Les hôpitaux et les services funéraires, dépassés par la vague de contamination au nouveau coronavirus, ne peuvent plus accueillir personne, ni malades, ni défunts. 

Ces derniers ne sont pas tous des victimes du virus. Certains en avaient les symptômes, racontent leurs proches, mais impossible de confirmer, il n’y a que très peu de tests. D’autres, souffrant d’autres pathologies ou victimes d’accidents, n’ont pas pu être admis à l’hôpital et sont décédés chez eux. 

Dans une vidéo relayée ces jours par l’agence Reuters, un habitant de Guayaquil, Fernando Espana, raconte que lui et sa famille attendent depuis 5 jours que les services compétents viennent prendre le corps d’un de ses proches. Il faut attendre, répètent invariablement les services d’urgence. Le corps attend, donc, dans une pièce isolée de la maison, enveloppé dans des sacs plastique et entouré de ventilateurs pour tenter de le refroidir. L’odeur est insoutenable, dit Fernando Espana. 

Sur des images amateurs ou tournées par la police, on voit des habitants déposer eux-mêmes des corps dans les rues. Les chiffres officiels annoncent la levée de 300 corps en une semaine dans les habitations. Le président Lenín Moreno confirme quant à lui le chiffre de 150 victimes par jour, rien qu’à Guayaquil, sans pouvoir préciser les causes de cette vague de décès. Combien attendent encore?

Cynthia Viteri, maire de Guayaquil, appelle à l’aide par tous les moyens. Dans un message posté sur son compte Twitter la semaine dernière, elle accuse: «Qu’arrive-t-il à notre système de santé? Ils n’enlèvent pas les corps des maisons, ils les laissent sur les trottoirs, les morts tombent devant les hôpitaux. (…) Quant aux malades, on leur ferme la porte des établissements de soins.»

Des témoignages diffusés sur les réseaux sociaux le corroborent. Comme celui de Juan Pablo Olivo Mera, citoyen équatorien résidant en Italie. «Je veux que le monde sache exactement ce qu’il se passe en Equateur avec le coronavirus. C’est criminel. Ils laissent mourir les gens, les gens défavorisés, du coronavirus. Devant les hôpitaux, dans la rue, sans soins.» Juan Pablo, en larmes, appelle à l’aide pour son père, âgé de 60 ans, privé de dialyse. 

Les hôpitaux étant complètement saturés, beaucoup d’Equatoriens, pas forcément malades du Covid-19, meurent dans l’attente d’une prise en charge. Le secteur privé ferme lui aussi ses portes à de plus en plus de patients. 

Les chiffres officiels annoncent pour l’Equateur 3’300 cas avérés et 145 morts des suites du coronavirus, dont 69% dans la seule province de Guayas, où se trouve Guayaquil. Pour beaucoup de citoyens et de professionnels de santé, ces données sont largement sous-estimées, faute de tests de dépistage. Et avec la défaillance des services funéraires, c’est une double crise sanitaire qui menace la deuxième ville d’Equateur.


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