«Chocolat foncé» et «mulâtre»: entre colorisme et colonialisme
Cette lettre ouverte est adressée à Jean-Louis Kuffer suite à sa chronique parue sur BPLT le 5 février dernier
Cher Monsieur,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre chronique du 5 février dernier. Quelle ne fut pas ma surprise en constatant qu’en décrivant l’un des personnages féminins de la série suédoise «Une si belle famille», vous la désignez par les termes «chocolat foncé». Par ces mots, vous faites preuve d’une forme de racisme que l’on nomme «colorisme», qui consiste à juger une personne racisée selon l’intensité de la couleur de sa peau et la réduisez à de la nourriture alors que, comme le titre du film de Jean-Pascal Zadi, il eût suffi d’écrire tout simplement «noir(e)» (même si «afrodescendante» aurait été préférable mais n’en demandons pas trop).
Bien entendu, vous ne vous arrêtez pas là en imaginant ce personnage transposé dans notre magnifique Pays de Vaud sous les traits d’un «rappeur mulâtre», ce dernier terme, colonial, servant à désigner un métis afropéen – les «mulâtres» ayant un statut particulier au temps de l’esclavage, tantôt privilégiés, tantôt stigmatisés – vient du mot «mulet» («mulato» en portugais) qui fait référence au croisement entre un âne et une jument. En utilisant ce terme, vous réduisez donc les métis au rang d’animaux.
Vous me rétorquerez certainement qu’on ne peut plus rien dire – si c’était le cas, vous n’auriez pas une tribune dans un média romand – et que je défends le politiquement correct, ce que je fais, en effet, lorsqu’il s’agit de défendre une minorité, le politiquement correct ne posant en général aucun problème lorsqu’il s’agit d’épargner la majorité dominante. Et, entre nous, ne regretteriez-vous pas le politiquement correct si je vous traitais de «vieux blanc facho et sénile»?
Cordialement,
Pablo Michellod
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