Les Finlandais formés à la traque aux mensonges

Publié le 7 juin 2019
En 2014, le Gouvernement finlandais a fait de la lutte contre les fake news un enjeu national. Depuis lors, les stratégies se mettent en place et le système éducatif a été réformé afin d’armer les jeunes face à cette problématique nouvelle. Des écoles aux médias, les Finlandais se sont notamment préparés à affronter les élections européennes, avec un résultat probant, comme le rapporte CNN.

Virtuel. Adjectif signifiant «qui n’est qu’en puissance, qu’en état de simple possibilité (par opposition à ce qui est en acte)», selon le Larousse. Mais, à notre époque, les menaces virtuelles sont tout ce qu’il y a de plus réelles et représentent désormais un défi considérable qu’il serait bien imprudent de sous-estimer. Et ça, la Finlande l’a bien compris.

Depuis son indépendance de l’URSS en 1917, la Finlande s’évertue à combattre les campagnes de propagande russes, notamment, jusqu’à se hisser en tête de liste des 35 pays pourvus de la meilleure éducation en la matière, selon une étude de l’Open Society Institute datant de 2018. Désormais, ce pays du nord voisin du géant de Poutine fait office de référence en matière de lutte contre les attaques informatiques et les fake news, en apprenant à ses citoyens – d’un bout à l’autre de l’échelle sociale et générationnelle –  à reconnaître la manipulation d’images et de vidéos, les demi-vérités, l’intimidation et les faux profils.

«Ce n’est pas juste un problème gouvernemental, toute la société a été ciblée. Nous faisons notre part, mais il incombe à chacun de protéger la démocratie finlandaise», a déclaré Jussi Toivanen, spécialiste en communication du cabinet du Premier ministre, lors d’un cours qu’il a donné dans le cadre de l’initiative finlandaise anti-fake news promulguée par le gouvernement en 2014. Cette initiative vise à enseigner aux résidents, aux étudiants, aux journalistes et aux politiciens comment contrer les fausses informations destinées à semer la division. S’il affirme ne pas pouvoir dénombrer le nombre d’opérations de désinformation menées contre le pays ces dernières années, Jussi Toivanen confie cependant à CNN que la plupart concernaient des questions telles que l’immigration, l’Union européenne ou le ralliement de la Finlande à l’OTAN.

Travaux pratiques

L’article de nos collègues américains évoque également un programme de pensée critique instauré dans une école franco-finlandaise dirigée par l’Etat et établie à Helsinki. Là-bas, les élèves participent à des cours qui leur apprennent à examiner les affirmations trouvées dans les vidéos YouTube et les publications sur les réseaux sociaux, à comparer les préjugés des médias dans une série d’articles «clickbait», à découvrir comment la désinformation suscite les émotions des lecteurs et à amener les étudiants à s’essayer à la rédaction de faux articles.

«Ce que nous voulons que nos étudiants fassent, c’est qu’ils réfléchissent à deux fois avant d’aimer ou de partager les publications des médias sociaux: qui a écrit cela? Où ce contenu a-t-il été publié? Puis-je trouver les mêmes informations d’une autre source?», a déclaré à CNN Kari Kivinen, directrice de cet établissement de la capitale et ancienne secrétaire générale des Ecoles européennes.

En plus d’être également en tête du classement des pays dont les médias sont parvenus à gagner la confiance de la population (rapport d’actualité numérique Reuters Institute 2018), la Finlande accueille des représentants d’un grand nombre d’Etats membres de l’UE, ainsi que Singapour, afin de partager avec eux sa manière d’aborder la lutte contre les fake news.
«Il y a quelques années, l’un de mes collègues a déclaré qu’il pensait que la Finlande avait remporté le premier tour contre les activités d’information hostiles menées par des étrangers. Mais même si la Finlande a très bien réussi, je ne pense pas qu’il y ait de première, deuxième ou troisième manche, c’est une partie toujours en cours», a encore déclaré Jussi Toivanen. Il sera de plus en plus difficile pour nous de contrer ce genre d’activités à l’avenir. Et nous devons être prêts pour cela.»


Pour lire l’article original, c’est par ICI!

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

CultureAccès libre

Vive le journalisme tel que nous le défendons!

Pourquoi BPLT fusionne-t-il avec d’Antithèse? Pour unir les forces de deux équipes attachées au journalisme indépendant, critique, ouvert au débat. Egalement pour être plus efficaces aux plans technique et administratif. Pour conjuguer diverses formes d’expression, des articles d’un côté, des interviews vidéo de l’autre. Tout en restant fidèles à nos (...)

Jacques Pilet

Une claque aux Romands… et au journalisme international

Au moment où le Conseil fédéral tente de dissuader les cantons alémaniques d’abandonner l’apprentissage du français au primaire, ces Sages ignorants lancent un signal contraire. Il est prévu, dès 2027, de couper la modeste contribution fédérale de 4 millions à la chaîne internationale TV5Monde qui diffuse des programmes francophones, suisses (...)

Jacques Pilet

Notre dernière édition avant la fusion

Dès le vendredi 3 octobre, vous retrouverez les articles de «Bon pour la tête» sur un nouveau site que nous créons avec nos amis d’«Antithèse». Un nouveau site et de nouveaux contenus mais toujours la même foi dans le débat d’idées, l’indépendance d’esprit, la liberté de penser.

Bon pour la tête

Des nouvelles de la fusion de «Bon pour la tête» avec «Antithèse»

Le nouveau site sera opérationnel au début du mois d’octobre. Voici quelques explications pour nos abonnés, notamment concernant le prix de l’abonnement qui pour eux ne changera pas.

Bon pour la tête

La bouderie des auditeurs de la SSR

Les derniers chiffres d’audience de la radio publique sont désastreux. La faute à l’abandon de la FM et à l’incapacité de ses dirigeants à remettre en question le choix de leurs programmes.

Jacques Pilet

«L’actualité, c’est comme la vitrine d’une grande quincaillerie…»

Pendant de nombreuses années, les lecteurs et les lectrices du «Matin Dimanche» ont eu droit, entre des éléments d’actualité et de nombreuses pages de publicité, à une chronique «décalée», celle de Christophe Gallaz. Comme un accident hebdomadaire dans une machinerie bien huilée. Aujourd’hui, les Editions Antipode publient «Au creux du (...)

Patrick Morier-Genoud

Surveillance, censure: le plan «Going Dark» de l’UE est en marche

Ce vaste programme conçu par l’Union européenne en 2023 a été relancé ce 25 juin. Il s’agit d’inciter les Etats membres à accélérer les mesures de surveillance des réseaux sociaux et même des mails. Pour lutter contre la «désinformation». Autrement dit: ce qui contrarie les discours officiels. Pourquoi cette offensive (...)

Jacques Pilet
Accès libre

Bon pour la tête étoffe son offre

Alors que les médias traditionnels se voient contraints de réduire leur voilure, les médias indépendants se développent. Cet automne, «Bon pour la tête» fusionnera avec «Antithèse», un site qui, comme le nôtre, résiste au conformisme dominant et aux idées toutes faites. Pour nos abonnés actuels, le prix ne changera pas, (...)

Bon pour la tête

Droit de réponse de la RTS

Suite à l’article de Guy Mettan du 4 juillet dernier, intitulé «Acculée, la SSR nous enfume et enterre sa radio en douce», la RTS nous a envoyé un droit de réponse. De son côté, Guy Mettan prend note de ces précisions qui, selon lui, ne remettent pas en question les (...)

Bon pour la tête

Comment sauver la radio et la TV publiques?

Pas sûr que la décision prise en faveur d’une plus grande centralisation de la SSR soit judicieuse dans un pays où le régionalisme est de mise. Pas vraiment tendance non plus.

Jacques Pilet

Acculée, la SSR nous enfume et enterre sa radio en douce

La SSR va entamer «la plus grande réorganisation de son histoire» avec 270 millions d’économies prévues d’ici 2029. Alors qu’elle vient de faire construire à Ecublens un bâtiment hors de prix qui n’apporte aucune plus-value à son organisation ni à ses programmes. Faut-il y voir une tentative désespérée de contrer (...)

Guy Mettan
Accès libre

«Désinformation»: le nouveau mot pour interdire les opinions

Faut-il vérifier et interdire les «fake news»? Pas systématiquement selon le journaliste allemand Jakob Schirrmacher, spécialisé dans l’éducation aux médias. Car la démocratie ne peut être protégée en restreignant la liberté d’expression et la contribution au débat. Dans son ouvrage, «Désinforme-toi!», il s’inquiète de l’ingérence de l’Etat dans le débat (...)

Heinz Moser
Accès libre

Comment diable s’y retrouver dans le vacarme?

Les soubresauts inouïs de l’actualité internationale ont sur nous divers effets. Les uns ferment les écoutilles, ras-le-bol de l’info. Chez d’autres, tout vient renforcer de vieilles certitudes liées aux camps du Bien ou du Mal. Et puis il y a ceux qui tentent de se faire une opinion propre, basée (...)

Jacques Pilet

Combines entre médias

Un accord conclu entre la SSR et l’association des éditeurs suisses impose à ces derniers de positionner leurs titres contre l’initiative voulant ramener la redevance à 200 francs. Est-ce à dire que l’on peut acheter la faveur des journaux?

Jacques Pilet

Techniques médiatiques pour orienter l’opinion publique

L’histoire du magnat allemand de la presse Alfred Hugenberg (1865-1951), relatée par l’historien Johann Chapoutot dans son dernier livre, éclaire le fonctionnement et l’évolution des médias jusqu’à aujourd’hui. Et comment nombre d’entre eux ont mis les esprits libres au service de leur «vérité».

Martin Bernard

La SSR se moque de nous

La perte de 30% d’auditeurs romands depuis l’abandon de la fréquence FM laisse les patrons de la radio-télévision de marbre. Ces chiffres sont pourtant inquiétants pour le débat démocratique.

Jacques Pilet