Zaric, sculpteur entre terre et ciel

Publié le 7 septembre 2018

Zaric au travail avec l’Anehom au premier stade, celui de la glaise. Une majorité de sculptures sont en béton patiné polychrome, d’autres en bronze. – © Thomas Wüthrich

Deux expositions, un film, une installation, une lecture: la rentrée artistique fait une place d’honneur au sculpteur lausannois Nikola Zaric. Disparu l’été dernier, ce grand montagnard mi-serbe mi-valaisan laisse derrière lui un peuple de formidables créatures mi-humaines mi-animales. En 2014, il installait une Femlièvre et un Anehom devant la cabane du Trient, sous l’oeil cinématographique de Thomas Wüthrich. Son film se déploie sur un texte de Sonia Zoran. Le voici.

Extrait du film « Face au glacier » de Thomas Wüthrich et Sonia Zoran


Zaric c’est un homme qui se rêve choucas,

un artiste qui s’enivre de résine et qui pourrait enfiler la peau d’un cerf 

pour courir plus vite entre les mélèzes.

Zaric c’est un sculpteur qui travaille la matière jusqu’à lui donner vie. 

Galerie de l’Univers. ©Galerie de l’Univers

Zaric aime les ours,

les femmgrenouilles, 

les barbilapins et les poissons dans les champs.

Et la mousse qui suit la roche,

l’eau qui devient glace,

les cimes comme un rivage.

Zaric crée entre les mondes.

Entre l’homme et l’animal,

l’enfance et l’éternité.

Il va chercher avant ce qui va au-delà. 

Et nous invite ailleurs, juste à côté. 

Ou juste en dessus.

 

«La boîte, FemChèvre», 2015, béton polychrome, ht 146 cm. © Pierre Vogel

Avec ses hommes à têtes d’animal, 

chacal, cerf ou âne,

avec ses femmes lapine ou biche, 

Zaric cherche à exprimer cette autre part de nous,
 

le plus souvent enfouie. Ou masquée. 

Il nous réinscrit dans la nature. 


«HomLièvre au poisson», 2011 © Galerie Univers

 On peut chercher longtemps, 

 dans les créatures de Zaric, les souvenirs d’enfance 

 – doudous pas si doux –

 comme les références mythologiques: 

 Anubis à tête de chacal ou le Minotaure demi-taureau, 

le monde des Titans ou le dieu Pan. 

Mais il n’est pas dans la référence, ni la nostalgie,

beaucoup plus dans la glaise commune de l’humain et de l’animal.

Face au Glacier. © Thomas Wüthrich


Zaric fait des siestes. 

Pleines de rencontres. 

Il les raconte avec de la glaise, 

puis un moule sarcophage, 

pour arriver au ciment comme pétrifié. 

Zaric fait surgir la vie dans une matière à la mémoire minérale. 

La vie entre l’homme et l’animal, 

la vie jusque dans ses failles les plus intimes. 

Des tréfonds il cherche à s’élever. Pour rejoindre l’universel. 

En allant poser sur les cimes, 

une Femlièvre dorée et un Anehom doté d’une seule aile. 

Zaric est là. 

Sculptant le destin humain face à l’absolu.


Du 6 septembre au 11 novembre à la Galerie de l’Univers à Lausanne: Zaric, sculptures.

Du 7 septembre au 11 novembre à l’Espace Arlaud à Lausanne : Zaric, sculptures. Et projection du film Face au glacier de Thomas Wüthrich et Sonia Zoran.
DVD en vente aux expos.

Le 6 octobre à 16h30 au Théâtre Vidy-Lausanne, en collaboration avec Visarte Vaud, vernissage de l’installation Château Lapin et lecture: L’enfant qui revient, fables de Claude Reichler inspirées des œuvres de Zaric.

Mercredi 7 novembre à 20h à l’Espace Arlaud, lecture: L’Enfant qui revient.

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