Shoah, Rwanda, Srebrenica, Gaza: des génocides à géométrie variable

Publié le 11 juillet 2025
Certains génocides jouissent d’une procédure accélérée ou sont sacralisés, tandis que d’autres peinent à se faire reconnaître. Car le crime des crimes est devenu un enjeu de pouvoir, un objet de pressions et de manipulations dont les puissances jouent en se contrefichant des victimes.

Raphaël Lemkin doit se retourner dans sa tombe. L’inventeur du concept juridique de génocide en 1944, qui avait réussi à l’inscrire dans le droit international de la Convention de 1948, aurait-il pu imaginer que, 66 ans après sa mort, ce crime serait reproché à ceux-là mêmes qui en avaient été les principales victimes, les juifs européens et leurs descendants israéliens? Aurait-il pu deviner qu’en juillet 2025 un premier ministre israélien poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime de génocide aurait l’audace de recommander comme Prix Nobel de la Paix un président américain lui-même coupable de crime d’agression contre un pays qui ne lui avait rien fait, l’Iran?
Lemkin aurait-il approuvé la qualification de génocide pour le massacre de masse et crime contre l’humanité de Srebrenica, dont on commémore ces jours-ci le 30e anniversaire et qui a vu la mort de 8700 musulmans bosniaques? Et comment aurait-il réagi à l’anéantissement voulu et programmé de la population civile de Gaza par la faim, les bombes et les exécutions ciblées israéliennes, lui qui avait été choqué par la liquidation dans les déserts de Mésopotamie d’un million et demi d’Arméniens par les Turcs en 1915?
Les génocides se suivent mais ne se ressemblent pas
Certains comptent plus que d’autres. Le crime des crimes occupant désormais le sommet de la hiérarchie pénale mondiale, il est devenu un enjeu de pouvoir de première importance. Un objet de pressions, de manipulations et de contre-pressions dont les puissances jouent pour se nuire les unes les autres en se contrefichant des victimes. L’indignité de l’instrumentalisation vient s’ajouter à l’infamie du crime.
Les exemples et contre-exemples abondent. Ainsi, certains génocides jouissent d’une procédure accélérée tandis que d’autres p...

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