Joan Mirò embrase le Centre Paul Klee

Publié le 17 mars 2023
Nouvelle vision, techniques innovantes et énergie renouvelée: l’œuvre tardif du génie catalan explore de «Nouveaux horizons».

Quelques formes élémentaires surgissent du fond de la toile. D’immenses aplats de blanc et de noir sont parcourus par quelques-uns des symboles qu’on lui connaît: un croissant de lune bleu outremer, un astre solaire rouge feu, un arbre, une étoile, un cercle, l’allusion à la figure humaine. «Femme devant la lune II» et «Femme devant le soleil I», deux grands formats de 1974, se font face dans la blancheur et le dépouillement du Centre Paul Klee, à Berne. Ce face-à-face est un des moments forts, intenses de la nouvelle exposition dédiée à Joan Mirò (1893-1983). 
Il y a là des étoiles filantes, d’autres astres encore, des personnages et des oiseaux, des taches vives qui finissent par prendre vie, comme projetées dans un geste de colère ou d’espoir; une boule blanche avec ses coulures, que l’on dirait de peinture fraîche, et à l’arrière-plan, cette forme noire menaçante, ébouriffée, et l’ébauche d’un paysage mouvant (Sans titre). Une grande toile plus troublante encore – mêlant huile, papier de verre, bois et clous – fait danser quelques traits noirs évoquant des idéogrammes sur un fond couleur sable, un cercle, quelques points, un rectangle vert. L’univers se peuple: «Personnage, oiseaux» (1976).
Nous voici à un moment clé de la vie de l’artiste, un tournant dans sa carrière.
Joan Mirò a vécu jusqu’alors une existence nomade entre Paris, Barcelone, la Normandie, la maison familiale de Mont Roig, à la campagne, connu plusieurs déménagements liés à la guerre civile espagnole et à l’avancée des troupes allemandes en France: en 1956, il déniche enfin le vaste atelier de ses rêves et emménage avec sa famille à Palma. L’heure d’un virage radical, une rupture même pour l’artiste, qui récupère des œuvres de ses précédentes résidences, se livre à un auto-examen critique. Animé par...

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