Un selfie dans l’ascenseur

© Shutterstock
Le tout premier selfie que j’ai pris était d’un romantique achevé. C’était au début de 2002, et je venais de m’installer à Belgrade. Seul dans mon petit appartement sur le boulevard bruyant, je me suis coupé en me rasant un matin. Ayant récemment acheté un Contax G1, je l’ai sorti et j’ai pris un cliché dans le miroir de la salle de bain, le sang dégoulinant le long de ma gorge et sur ma poitrine. Les pellicules coûtaient cher et je ne savais pas si la mise au point serait bonne, alors j’ai simplement appuyé une fois sur le déclencheur et attendu quelques jours pour voir le résultat. En découvrant la photo, un mélange de honte, de fierté et de confusion m’a envahi. En soi, c’était une bonne image, mais elle me paraissait d’une vanité inouïe. J’étais loin d’imaginer que les selfies deviendraient, avec le temps, l’un des piliers de notre époque.
Pourtant, les signes étaient là. J’avais acheté mon Contax pour seulement 400 euros en 2001, alors qu’il se vendait 2 500 euros à sa sortie en 1995 (il vaut aujourd’hui plus de 1 000 euros — allez comprendre). C’est que les appareils numériques avaient fait irruption vers 1998, rendant la photographie argentique obsolète — du moins le croyait-on. Puis l’iPhone est arrivé, comme mon fils, en 2007, et a tout balayé. Bientôt, le monde entier a eu un appareil photo dans sa poche. Et le premier sujet, naturellement, fut nous-mêmes.
Cent millions de selfies par jour
On...
Ce contenu est réservé aux abonnés
En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.
Vous accédez à du contenu exclusif :
-
Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement
-
Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau
-
Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay
-
Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens
- Et bien plus encore…
Déjà abonné ? Se connecter
À lire aussi














