Soulages, au-delà du noir

Publié le 4 décembre 2019

Exposition Pierre Soulages au MBA de Lyon, 2013. – © Jacques Meynier de Malviala – Flickr – (CC BY-NC-ND 2.0)

Rares sont les artistes qui, de leur vivant, ont vu leurs œuvres exposées au Louvre et plus rares encore ceux à qui le musée consacra une rétrospective. Ce fut le cas seulement de Braque en 1961, deux ans avant sa disparition. Et de Picasso, en 1971, lors de ses 90 ans. L’exposition, qui se tint dans la Grande Galerie, dura 10 jours et le public put la visiter gratuitement. Alors qu’approche son centième anniversaire, c’est Pierre Soulages qui, dans quelques jours, va avoir les honneurs du Louvre avec une rétrospective dans le Salon Carré.

A deux reprises, il m’a été donné de rencontrer Pierre Soulages. C’était chez Alice Pauli, sa galeriste lausannoise. La première fois en 2000. J’avais pris rendez-vous pour une interview. Nous avions longuement parlé de cette quête incessante de la lumière qu’est son œuvre. De cette aurore boréale qui semble sourdre directement du noir – ou plutôt des noirs – du tableau. Et qui se tient comme en avant. «Très exactement entre le tableau et le spectateur», m’avait expliqué Soulages, jamais lassé de parler de son travail. A côté de séries d’œuvres striées, scandées de fentes blanches, persiennes ouvertes sur l’en-deçà, il y avait également une toile ourlée, celle-là, d’un mince liseré bleu. Et je pensais à ce qu’écrit Jaccottet dans A la lumière d’hiver:«laper cette lumière qui ne s’éteint pas la nuit / mais seulement se couvre d’ombre, à peine.» 

Catalogue de l’exposition Soulages, Galerie Alice Pauli, 2012 © Coll. R. Aubert

Lorsque que nous nous revîmes, toujours chez Pauli, 12 ans s’étaient écoulés. A cause de la foule qui se pressait dans la galerie en ce jour de vernissage, il faisait très chaud, mais Pierre Soulages semblait n’en avoir cure. Toujours courtois, il avait un mot pour chacun. Comme je lui rappelais notre première rencontre et lui expliquais que le noir représentait pour moi un univers familier, du fait de l’œuvre de mon père, graveur, il me demanda tout à trac: «Bois de bout ou...

Ce contenu est réservé aux abonnés

En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.

Vous accédez à du contenu exclusif :

  • Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement

  • Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau

  • Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay

  • Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens

  • Et bien plus encore… 

Déjà abonné ? Se connecter

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Culture

Respirer une fois sur deux avec Alain Huck

C’est une des plus belles expositions en Suisse cet été, à voir jusqu’au 9 septembre au Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA) de Lausanne. Alain Huck propose une promenade dimensionnelle à travers les mots et la pensée. Miroir d’un état du monde terrifiant, son œuvre est néanmoins traversée de tendresse, histoire (...)

Michèle Laird
Culture

Des Nymphéas au smartphone

Premier film de Cédric Klapisch présenté à Cannes en 35 ans de carrière, «La Venue de l’avenir» ne marque pas tant un saut qualitatif que la somme d’une œuvre à la fois populaire et exigeante. En faisant dialoguer deux époques, la nôtre et la fin du 19e siècle des impressionnistes, (...)

Norbert Creutz
Culture

Le chant du monde selon Hodler et la griffe de Vallotton

A voir absolument ces jours en nos régions: deux expositions denses de contenu et de haute volée qualitative, consacrées respectivement à Ferdinand Hodler et quelques «proches», et à Felix Vallotton graveur sur bois. Où la pure peinture et le génie plastique subliment, pour le meilleur, toute forme d’idéologie esthétique ou (...)

Jean-Louis Kuffer
Culture

L’art jubilatoire et jaculatoire d’Armand Avril

A 99 ans, l’artiste lyonnais expose ses nouvelles créations à la galerie RichterBuxtorf de Lausanne. Des chats et des chattes, et aussi des palmiers à la forme sans équivoque. Diverses techniques sont utilisées – peinture, collages, encre… – et les supports sont d’anciens sacs de farine ou des pages de (...)

Patrick Morier-Genoud
CultureAccès libre

Hodler, la locomotive suisse de la modernité face à ses émules

Pour montrer la forte influence de Ferdinand Hodler sur plusieurs générations de peintres suisses, le Musée d’art de Pully et le Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel proposent un parcours singulier. Les thèmes iconiques du maître s’y déclinent à travers une cinquantaine d’artistes suisses de la première moitié du 20e (...)

Michèle Laird
CultureAccès libre

L’art au service de la paix: la collection Ghez à l’Hermitage

La Fondation de l’Hermitage accueille une rareté dans le monde des collections privées: les trésors du Petit Palais de Genève proviennent de la collection d’Oscar Ghez, un collectionneur sensible au destin de l’humanité et aux artistes femmes. Privilégiant l’art français de la fin du 19e et du début du 20e, (...)

Michèle Laird
Culture

D’Edouard Manet à Robert Ryman et vice-versa

Remarquable et passionnant, «Atopiques. De Manet à Ryman», de Jean Clay, qui vient de paraître à L’Atelier contemporain, nous fait revivre le rapport de la génération mai 68 avec les pratiques artistiques les plus avancées de l’époque.

Yves Tenret
Culture

Vivent les mauvais artistes

Peu de groupes socio-professionnels sont sujets à une compétition aussi brutale que les artistes. Des millions d’appelés et quelques élus. On ne se souvient donc que des supposés génies. Mais que seraient ces artistes géniaux sans tous ceux qui, pense-t-on, ne le sont pas.

David Laufer
Culture

La sélection, clé de voûte de l’art

Une visite à Gand et ses merveilles de la Renaissance offre une occasion de se demander comment on sélectionnait les artistes alors, et comment on s’y prend aujourd’hui. Et pourquoi cette sélection détermine en grande partie notre perception de la scène artistique.

David Laufer
CultureAccès libre

Jean Frémon, vendeur d’art

«Probité de l’image», recueil de vingt-huit textes rédigés entre 1991 et 2022 pour des catalogues par le directeur de la galerie Lelong, sise rue de Téhéran à Paris, c’est-à-dire l’ancienne et fameuse galerie Maeght, nous livre un riche et précieux témoignage des rencontres infiniment variées de Jean Frémon (1946) avec (...)

Yves Tenret
Culture

A Venise, l’art contemporain exténué

Depuis 1895, la Biennale de Venise, la plus ancienne et la plus prestigieuse foire d’art contemporain, présente les dernières tendances. Or depuis quelques années, une vérité s’y affirme peu à peu: dans l’art, comme dans nos société en général, il n’existe plus, ni tendances, ni projet.

David Laufer
Culture

L’enfance célébrée

Si la Fondation Gianadda nous a habitués depuis plus de quarante ans à des expositions magnifiques, celle-ci est exceptionnelle. «Anker et l’enfance» met en scène les œuvres majeures du peintre suisse à travers un hymne aux enfants. Bel hommage à Léonard Gianadda, décédé en fin d’année dernière, qui a préservé (...)

Loris Salvatore Musumeci
Culture

La mise à mort sacrificielle de Damien Hirst

Imaginez les femmes de Downton Abbey, ou celles du Swinging London des années 60. Eblouissantes d’élégance, de style et de sous-entendus. Sautez jusqu’en 2020 et voyez ces jeunes Londoniennes, leurs corps flasques débordant de leurs robes trop courtes, ivres mortes, visages botoxés à peine visibles derrière des couches de maquillage (...)

David Laufer
Culture

Oskar Kokoschka: apologie du dessin

Aglaja Kempf, conservatrice de la Fondation Oskar Kokoschka, présente dans un splendide nouvel ouvrage publié ces jours-ci aux Cahiers dessinés,150 dessins du maitre. Tous sont issus de la collection de la Fondation, riche de 2’300 œuvres aux techniques variées.

Yves Tenret
CultureAccès libre

Christian Marclay: «L’art a besoin d’un public pour exister»

De passage à Lausanne pour vernir une exposition à Photo Elysée sur le thème du photomaton, l’artiste Christian Marclay nous parle de sa pratique artistique dans le cadre de la célébration des 100 ans du surréalisme. Plus proche du dadaïsme de Marcel Duchamp que du surréalisme d’André Breton, il nous (...)

Michèle Laird
Culture

Ci-gît un dessinateur en herbe

Né à Boulogne-Billancourt en 1955, Philippe Comar, pendant quasi 40 ans, a été professeur de dessin et de morphologie à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris. Dans son nouveau livre,«Premiers traits», il nous offre une jouissive autobiographie.

Yves Tenret