Pauvre Artaud

© Pascal Parrone / BPLT 2020
D’abord, un avertissement. Il s’adresse aux horrifiées qui découvrent ces jours-ci, via Instagram, l’existence d’un certain Antonin Artaud, un mec chelou qui écrit des trucs insensés à sa meuf, genre: j’ai besoin d’une femme «simple et équilibrée», «que je puisse trouver chez moi à toute heure», moi qui suis «incapable de m’occuper de rien». Une femme surtout qui ne «réfléchisse [pas] trop» mais qui me soit «attachée». La honte, quoi.
Si on googelise le nom d’Artaud, on lit que cet acteur et écrivain français du XXème siècle naissant est le créateur du Théâtre de la cruauté. D’où mon avertissement, en prévention du prochain mauvais buzz: non, le Théâtre de la cruauté n’est pas une scène où l’on torture des chatons et des koalas. Par «cruauté», Artaud entend la douleur d’être au monde et la mission dévolue à l’acteur d’être le corps brûlant de sa rédemption.
Mais revenons au texte incriminé. Il s’intitule Deuxième lettre de ménage et il est brandi sur les réseaux comme la preuve irréfutable que le grand Antonin, le poète de la folie cosmique, de la «lucidité innommable», cette créature de braise et de fulgurance, n’est rien qu’une pantouflarde incarnation du modèle hétéro-patriarcal.
Hmm. Et si on lâche une minute Insta et Google et qu’on s’aventure jusque dans les écrits d’Artaud? On découvre une réalité un brin plus complexe. Tenez: cette «lettre», publiée dans Le pèse-nerf, il ne l’a jamais envoyée à sa meuf. Pas plus qu’il n’a envoyé à Hitler sa lettre à lui adressée, pareil pour...
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