Microsoft s’enrichit sur le dos des Palestiniens

Publié le 22 août 2025
Selon des révélations étayées par des sources issues de la multinationale américaine et des services secrets israéliens, un cloud spécial a été mis en place pour intercepter les communications de millions de Palestiniens. Des données qu'Israël utilise pour mener sa guerre de représailles ethniques dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.

Un article publié sur Infosperber le 13.08.2025, traduit et adapté par Bon pour la tête 


Microsoft a conçu une version spéciale de sa plateforme cloud Azure pour l’unité d’élite 8200 de l’armée israélienne, l’équivalent de la NSA américaine. Depuis 2022, celle-ci stocke d’énormes quantités de données audios provenant des services secrets palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, dont des millions d’appels téléphoniques et de SMS interceptés.

Les volumes croissants de données, qui ne pouvaient plus être gérés sur les serveurs militaires, ont ainsi été transférés de manière sûre et efficace. La coopération a été décisivement renforcée après une réunion en 2021 entre le chef de l’unité 8200 de l’époque, Yossi Sariel, et le PDG de Microsoft, Satya Nadella, à Seattle. C’est ce qu’a rapporté le Guardian le 6 août dernier.

Selon ces révélations, basées sur des documents internes de Microsoft et les déclarations de plus de dix sources issues de la multinationale américaine et des services secrets israéliens, une équipe d’ingénieurs spécialisés a ensuite aidé à mettre en place cette infrastructure cloud pour l’armée. Certains employés de Microsoft étaient eux-mêmes d’anciens membres de l’unité 8200, ce qui a facilité la coopération technique et organisationnelle.

Collecte et utilisation de données à des fins militaires

Selon les rapports du Guardian et du +972 Magazine, les données stockées dans Azure comprennent des enregistrements audio de millions d’appels téléphoniques palestiniens quotidiens. En juillet 2025, environ 200 millions d’heures d’audio étaient stockées sur les serveurs Microsoft, principalement aux Pays-Bas, en Irlande et en Israël.

Le système permet de surveiller pratiquement l’ensemble du réseau de communication palestinien. À l’aide du système appelé «Noisy Message», les messages sont également collectés et classés selon un «niveau de dangerosité». Alors qu’auparavant, seuls les appels téléphoniques de dizaines de milliers de Palestiniens considérés comme suspects pouvaient être conservés sur des serveurs internes de l’armée, Azure a permis d’étendre la surveillance à des millions de personnes et d’augmenter de manière exponentielle le volume de données.

Centre de recherche Herzliya Pituach de Microsoft Israël près de Tel Aviv (août 2020). © Amit Giron/CC BY-SA 4.0

Selon au moins trois sources de l’unité 8200, ces énormes quantités de données ont été utilisées ces dernières années pour planifier des frappes aériennes meurtrières à Gaza et en Cisjordanie, elles servent souvent de base à des arrestations et à d’autres opérations militaires. Grâce à cette surveillance exhaustive, Israël peut potentiellement collecter des informations compromettantes sur pratiquement tous les Palestiniens, qui peuvent être utilisées à des fins de chantage, de détention administrative ou de justification a posteriori des assassinats.

Inquiétudes israéliennes et critiques internationales

Au sein de l’unité 8200, des réserves ont été émises, notamment en raison des coûts élevés et du stockage de données sensibles dans des centres informatiques étrangers. Le ministère israélien de la Justice et des Finances a exprimé ses inquiétudes quant à d’éventuelles poursuites internationales contre Microsoft s’il s’avérait que son cloud était utilisé à des fins de violations des droits humains.

Au niveau international, Microsoft est soumis à une pression croissante. Les médias, les employés et les investisseurs posent de plus en plus de questions critiques sur le rôle du groupe et sur les accusations selon lesquelles Microsoft serait impliqué dans des violations des droits humains et des crimes de guerre.

Selon des documents divulgués, Microsoft estime que son partenariat avec l’unité 8200 pourrait rapporter des centaines de millions de dollars au groupe en cinq ans.

Microsoft dément

Microsoft affirme n’avoir aucune connaissance de la surveillance de civils palestiniens ou de l’enregistrement de leurs conversations téléphoniques à l’aide de sa propre technologie. Des enquêtes internes n’auraient jusqu’à présent fourni aucune preuve qu’Azure ou les systèmes d’IA de Microsoft aient été utilisés «de manière ciblée» pour nuire à des personnes dans la bande de Gaza. Selon l’entreprise, la coopération avec l’Unité 8200 sert officiellement à la cybersécurité et à la cyberprotection d’Israël contre les attaques externes. Le partenariat aurait été «réglementé et contrôlé par la loi» dès le début.

Un porte-parole de l’armée israélienne a déclaré au Guardian que la coopération avec Microsoft reposait sur des «accords contrôlés par la loi» et que Microsoft ne collaborait pas avec l’armée israélienne pour le stockage et le traitement des données, précisant que «les forces de défense israéliennes agissent conformément au droit international, dans le but de lutter contre le terrorisme et d’assurer la sécurité de l’État et de ses citoyens.»

Les informations du Guardian et du +972 Magazine suggèrent pourtant que Microsoft, grâce à son infrastructure cloud, joue un rôle important dans la surveillance de masse menée par Israël et, par conséquent, dans les opérations militaires contre les Palestiniens, qui vont jusqu’à des assassinats ciblés et des détentions. Une affaire qui soulève des questions éthiques fondamentales quant à la responsabilité des multinationales technologiques dans les situations de conflit et en cas de violations potentielles des droits humains.


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