Publié le 27 avril 2020
Un billet d’humeur pour sourire de nos délires à l’ère de l’obsession alimentaire. Anna Décosterd est auteure du blog culinaire My Sweet Mouette et photographe culinaire autodidacte.

La semaine dernière, le climat d’injonction à la perfection gastronomique a commencé à m’inquiéter. L’inquisition culinaire menaçait. Qu’était-il arrivé à mes compatriotes? Tout comportement déviant semblait condamné à l’extermination, voire pire, au jugement dernier. Dans le rôle du juge, les amateurs d’un certain «monde d’après» sur les réseaux sociaux. Dans celui de l’accusé: toi et ton envie de hamburger.

Il en a été ainsi pendant quatre longues semaines. Finie la malbouffe, bonjour le fait maison. Sur les blogs et autres comptes Instagram je lisais, éberluée, des affirmations du genre: «Chaque matin, je cuis ma tresse!». Chaque matin… la vache! Bien sûr, la perfection culinaire ne s’arrêtait pas là. Il fallait ensuite cuisiner des légumes récupérés à la ferme du coin, tester les nouvelles boulettes à base de lentilles et de tomates séchées, et concocter un dessert maison, mais sans sucre, s’il vous plait, ce n’est pas bon pour la santé. Sans oublier, entre deux préparations de repas, une séance de gym avec un(e) coach aussi motivé que virtuel, même si ton «bikini body», si durement acquis, risque cet été de n’être admiré que par quelques heureux élus, parmi lesquels le chat des voisins.

J’ai commencé à angoisser. Il n’y aurait donc personne par ici que toute cette sainteté culinaire emmerde? Une telle sublimation de la frustration aurait inquiété Freud lui-même, non? La cinquième semaine de confinement vit enfin poindre mon soulagement. D’abord cette nouvelle: l’Hôtel de Ville de Crissier lançait ses plats à emporter. Il s’est trouvé que j’y passais, à Crissier, le jour de la distribution. Pour aller faire le plein de légumes à la ferme de mon ami Valentin, justement. Je vis une longue file de gens souriants et heureux. «Eh ben! Il y en a quand-même beaucoup qui en ont marre de cuisiner» commenta, ravie ma fille aînée, qui elle-même, pour l’instant, n’aime pas tellement cuisiner. Quelques jours plus tard, nouvelle surprise: une longue file de voitures, quelque part en France, filmée par le téléjournal du soir. Que faisaient ces gens? Ils attendaient pour récupérer leur menu «hamburger» au drive du coin!

Merci mon Dieu. Nous ne sommes pas encore devenus fous. Après de longs mois d’éco-anxiété, il ne nous manquait plus que ça. L’orthorexie à tous les coins de rue. Alors, oui, depuis mon balcon, je le crie: lâche ton caddie et vis! Cela fait tant de bien, parfois, d’oublier la pression du culinairement correct et patauger dans un truc bien gras avec les doigts. Peu importe si c’est toi qui l’as préparé, ou pas. Au vu de ce qui s’annonce, t’auras bien le temps de grignoter tes carottes pour compenser, va.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Accès libre

Réduire pesticides et engrais chimiques en accompagnant les agriculteurs

Pour que les pratiques agricoles évoluent, il faut que les agriculteurs y trouvent leur intérêt et soient accompagnés dans ces changements. Certains pays ont ainsi réussi à réduire durablement l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques. Voici comment.

Bon pour la tête

Non, chère Migros, on ne te dit pas merci!

L’enseigne suisse a annoncé qu’un millier de ses produits verront leur prix baisser en 2025. Bonne nouvelle, mais pourquoi maintenant seulement?

Jacques Pilet
Accès libre

Le défi de la réglementation de la pêche en mer

Le secteur est actuellement régi par des codes dignes du Far West. Puisque les poissons des océans du monde entier appartiennent à tout le monde, les Etats tentent encore de s’accaparer ce qui peut l’être à coups de milliards de subventions à l’industrie de la pêche. Comment y mettre bon (...)

Bon pour la tête
Accès libre

La taxe britannique sur les boissons sucrées est efficace

Depuis 2018, la Grande-Bretagne applique une taxe sur les boissons sucrées. Des chercheurs de l’Université de Cambridge ont étudié comment celle-ci avait influencé la consommation de sucre des Britanniques. Les recherches concluent à l’efficacité de cette mesure: après une année d’application seulement, la consommation de sucre avait sensiblement diminué.

Bon pour la tête
Accès libre

Le véganisme, idiot utile de la société de consommation?

Si le capitalisme s’accommode bien du véganisme, c’est parce que celui-ci s’affirme comme un style de vie particulier participant à la construction identitaire et relevant également d’un courant, voire parfois d’une mode. Le véganisme comporte de ce fait une dimension ontologique importante, «végane» est un attribut du sujet, on «est» (...)

Bon pour la tête

Le couscous calme la douleur de Jacques-André qui retrouve de l’assurance

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Une conseillère fédérale socialiste est contre la 13ème rente AVS, un conseiller aux Etats, également du PS, est pour… Jacques-André se sent tiraillé entre plusieurs tendances politiques. Il ne sait pas non plus que penser de la révolte des paysans français (...)

Patrick Morier-Genoud
Accès libre

Aux origines de l’enseignement agricole, la lutte contre l’insécurité alimentaire

Le réchauffement climatique invite les formations à interroger leurs programmes d’études. Face à l’urgence de la transition environnementale, quelles compétences transmettre en priorité aux professionnels de demain ? Comment les préparer à affronter les défis qui les attendent et à inventer de nouveaux modèles ? Ces questions touchent l’ensemble des spécialités, particulièrement (...)

Accès libre

Marges alimentaires: comme il est bon que personne ne sache

L’Autriche veut la transparence sur les marges alimentaires. La France est déjà en avance. Et la Suisse? Elle n’est nulle part. Malgré des marges records, les plus élevées d’Europe, le Surveillant des prix fait face à la pression des grands distributeurs.

Gare aux patates toxiques!

La «NZZ» fait rarement rire ses lecteurs. Mais elle y parvient parfois… à force de sérieux. Elle publie l’interview du toxicologue Carsten Schleh, auteur du livre «Vorsicht, da steckt Gift drin» («Attention, il y a du poison là-dedans»). On en apprend de belles…

Simon-Pierre a de fortes envies de sucre

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Pour lui, la vie n’est pas tous les jours facile. Il a l’impression que la gauche et les wokes font tout pour la lui gâcher, notamment en s’attaquant à une politicienne qu’il admire et au sucre. Heureusement que Rambo, avec tous (...)

Accès libre

Prune est convaincue que ce n’est pas la taille du poireau qui fait sa saveur

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Son frère ayant dénigré le membre reproducteur de son nouvel amoureux, Prune s’interroge sur l’importance de la dimension des pénis. Ce d’autant que la virilité n’est pas sa tasse de rooibos et qu’elle apprécie peu les militaires comme Mike Horn ou (...)

Accès libre

Ce n’est pas parce que votre café est amer qu’il est «plus fort»

Le café – un grain aux multiples possibilités. Le mode d’infusion constitue un choix important: espresso, filtre, piston, percolateur, préparation instantanée, etc. Chaque technique nécessite un équipement, une durée, une température, une pression et une mouture de café, ainsi que des besoins en eau qui lui sont propres.

Accès libre

«Cultiver» des insectes, la solution pour assurer la sécurité alimentaire de l’humanité?

Population toujours plus nombreuse sur la planète, nécessité de trouver de nouvelles ressources… Explorons comment nous serons amenés à repenser notre alimentation. Les essais et réflexions ont déjà commencé. Ce pose notamment la question: les insectes peuvent-ils être une solution?

Accès libre

La grande distribution rogne des parts de marché aux circuits courts

Depuis la reprise normale des activités économiques, les difficultés se multiplient pour les épiceries et magasins en vrac qui valorisent les productions locales et les circuits courts. Dernier exemple en date: l’enseigne «Chez Mamie» à Lausanne est grandement menacée de fermeture. Mais pourquoi une telle tendance alors que les préoccupations (...)

Accès libre

Pénuries, faut-il en faire un fromage?

Bonne nouvelle, nous sommes autosuffisants en raclette et en côtelettes. Ce ne sera certainement pas au goût de certains Verts du bout du lac, mais c’est bien le seul domaine où la Suisse ne risque pas d’être frappée de pénurie.

Accès libre

Les semenciers bio, un enjeu de durabilité et d’indépendance nationale

Crise alimentaire, crise sanitaire, crise écologique ou simplement envie d’apporter un peu de biodiversité et de nature autour de chez soi, le nombre de «mains vertes» se sont multipliées ces dernières années en Suisse, ainsi qu’en Occident de manière générale. L’envie de pouvoir produire une partie plus ou moins grande (...)