Publié le 18 janvier 2021
Quoi de neuf dans l'espace médiatique? Le témoignage intime. Oui, enfin, sauf que "Marie-Claire" et "Femina" font ça depuis au moins trente ans...

Les podcasts sont-ils entrés dans votre vie? Dans la mienne, oui. D’abord ceux produits par les radios: ils me permettent de m’abonner à mes émissions préférées, de les écouter sur mon smartphone quand je veux, où je veux. Quel confort. Quelle révolution. Puis, j’ai découvert les podcasts dits «natifs», produits d’emblée pour internet. La radio sans la radio, quoi.

Sauf que pas tout à fait. Alors que les chaînes que j’écoute sont généralistes, c’est-à-dire qu’elles ont pour vocation de s’intéresser à ce qui se passe dans l’espace social, politique, culturel, il y a, dans les innombrables podcasts qui naissent chaque jour, un genre dominant: celui de la confidence intime. Aiman nous narre son éveil précoce à la sexualité en tous genres. Arielle nous explique comment elle ne trouve le plaisir qu’en se faisant fesser et traiter de salope. Milla nous détaille la gestion 100% bio de son flux menstruel.

Comme auditrice, il m’arrive d’être scotchée. Comme journaliste avec quelques années au compteur, je ne peux que sourire et rendre hommage à ces pionnières de la modernité que sont Marie-ClaireFemina et les autres. Car les podcasts ne font que redécouvrir un genre pratiqué depuis des décennies par les magazines féminins: le témoignage de vie privée. Un genre mineur, un truc de bonnes femmes, longtemps considéré avec condescendance par les journaux réputés sérieux, et qui aujourd’hui s’invite dans leurs pages mêmes. Les réd en chef de ces prestigieuses publications ont-il seulement conscience de faire du Marie-Claire 30 ans après?

J’ai un admiration sans réserves pour la presse féminine qui, dans ses belles années, a été à l’avant-garde du journalisme dit «de société». Tout comme les historiens qui ont un jour cessé de ne s’intéresser qu’aux batailles pour entrer dans les cabinets de toilette, elle a compris avant les autres que l’intime et l’individuel disent aussi le collectif.

D’où vient alors le malaise que je ressens en voyant la place grandissante qu’occupent, dans l’espace médiatique, les plongées introspectives et les confessions intimes? Sûrement de la posture qu’elles induisent inévitablement: l’entre-soi. On ne se livre en effet qu’à ses amis, lesquels s’abstiennent en échange de poser des questions dérangeantes. Ainsi, tout le monde est gentil avec tout le monde, mais l’intelligence des choses n’y gagne pas. Peut-être aussi que ce fichu virus ne fait qu’exacerber la désagréable sensation qui me talonne: l’air du temps est au retrécissement.

Je vous souhaite un année 2021 ouverte sur l’ailleurs et passionnée de chose publique.


Tout va bien, la chronique d’Anna Lietti, paraît chaque mois dans 24 heures et sur Bon Pour La Tête, accompagnée d’un dessin inédit de Pascal Parrone.

 

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