Edvard Munch, autoportrait en créateur tourmenté

Publié le 18 novembre 2022
L’exposition parisienne du Musée d’Orsay rend sa place et sa complexité à l’artiste norvégien (1863-1944), observateur affûté de l’âme humaine, bien au-delà de son seul «Cri», chef d’œuvre glaçant...

Il a éprouvé la souffrance et le deuil dès son plus jeune âge, perdant successivement sa mère, puis sa sœur, de la tuberculose, accompagnant souvent son père, médecin militaire, dans ses tournées. Déjà, il dessine et peint avec sa tante, qui l’élève désormais.
Le jeune homme n’a que peu de formation académique, quelques mois à peine à l’Académie de Kristiania, à Oslo, quand il se voit accorder une bourse d’études pour séjourner à Paris. Edvard Munch s’y intéresse aux Impressionnistes, qui font alors scandale, s’inspire de leur manière rapide et de leur liberté dans le traitement des couleurs. Et se détourne des paysages pour s’intéresser aux portraits.
Sur le visage de ses proches, son cercle d’amis, ses sœurs, il cherche à capter les émotions, les expressions qui disent l’âme humaine dans ses tensions et ses abysses, son universalité, sa complexité. Des portraits et de nombreux autoportraits, à tous les âges de la vie, tel ce troublant «Autoportrait à la cigarette» (1895). On le retrouve en dandy fréquentant les avant-gardes berlinoises au tournant du siècle, le regard perdu dans le vide, nœud papillon et veste anthracite, une cigarette à la main dont les volutes contribuent à estomper l’ensemble de la toile et ajoutent à son mystère; le décor n’a plus rien de figuratif et le camaïeu abstrait de gris, de pourpre et de noir bleuté contribuant à l’impression d’étrangeté inquiétante de l’ensemble.
Le propos de l’exposition du Musée d’Orsay – «Munch, un poème de vie, d’amour et de mort» – est de montrer l’ampleur et la diversité de cet artiste, au cours de soixante ans de création, lui rendre la place singulière qu’il occupe, à cheval sur deux siècles et à l’heure d’une explosion des expressions artistiques et de la multiplicité des quêtes et des questionnements.
A la fois...

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