Trois conseils de grand-mère polonaise pour survivre au déconfinement

Publié le 12 mai 2020
Un billet d’humeur pour sourire de nos délires à l’ère de l’obsession alimentaire. Anna Décosterd est auteure du blog culinaire My Sweet Mouette et photographe culinaire autodidacte.

A l’heure où j’écris ces lignes, nous vivons encore dans une ville semi-confinée, calfeutrés dans nos maisons. Mais il faudra bien sortir de là, mes amis, ouvrir les magasins et aller travailler. En contemplant les files qui se sont déjà formées devant la poste et autres lieux indispensables, j’imagine la suite. Un dédale de files? Oui. Je, tu, il, nous ferons tous la file…

«Je file faire la file!», annonçait gaiment ma grand-mère. En véritable tête chercheuse, elle passait son temps à papoter (pardon, à se renseigner) pour savoir à quel endroit de la ville trouver de la nourriture pour les jours suivants. Ensuite de quoi, elle fonçait à la maison attraper un cabas, se recoiffer vite fait, et mettre de jolies chaussures (elle était veuve, et espérait, qui sait, rencontrer un gentleman dans une file quelconque, par le plus grand des hasards). Vous l’aurez compris, je vous parle d’une période révolue, celle de la Pologne communiste des années 70. Une époque que peu de gens regrettent, et en tous cas pas moi.

En contemplant nos rues, mes compatriotes maussades, inquiets ou encore indifférents, je repense à sa joie enfantine à l’idée d’aller faire la file. Une occupation ô combien importante alors, largement colonisée par de vieilles dames guillerettes. Je n’ai jamais entendu ma grand-mère se plaindre. Au contraire. Elle parlait de «faire la file», comme je parle des rendez-vous avec mes copines. Or, ces prochains temps, pour des chaussures ou du jambon, on va tous faire la file. Obligé, comme disent les enfants. Comment survivre? Je vous offre trois secrets de ma grand-maman. On ne sait jamais, ça peut servir.

Parlez! Oui je sais, ce n’est pas dans l’ADN helvétique… Quiconque ayant fait l’expérience du brouhaha animé d’un métro milanais, puis du silence gêné d’un bus lausannois, aura envie d’exploser de rire en lisant cette recommandation. Riez mes amis, c’est bon pour la santé. Mais de grâce, apprenez à parler! Discuter de la pluie et du beau temps fait passer le temps. Peut-être même vous ferez-vous des amis, ou rencontrerez l’âme sœur? (ça, c’est sans garantie, même ma grand-mère est restée célibataire). Si vous restez silencieux, non seulement vous allez vous ennuyer, mais de plus, vous ne le saurez jamais.

Pomponnez-vous. Oui, je l’affirme: assez traîné dans le vieux jogging délavé. Nous allons SORTIR. Rencontrer d’autres humains, et même passer un bon bout de temps en leur compagnie, à faire la file. De même que vous vous faites beaux pour aller au boulot, faites-vous jolis pour attendre votre tour chez le maraîcher. Une question de respect pour les autres, mais surtout, une manière de vous réapproprier votre vie. Sérieusement, un coup de gel dans les cheveux , une touche de mascara ou de rouge à lèvres peuvent sauver votre journée. Et une journée, c’est précieux.

Considérer que c’est une occupation utile. Nous le savons tous. Rien de plus épuisant que d’attendre bêtement. Ma grand-mère ne voyait pas les choses sous cet angle-là. Elle se sentait utile; en faisant la file, elle rapportait plein de bonnes choses à manger à la maison. Faisons donc comme elle: choisissons des recettes sympa, une liste de courses qui donne envie, et hop! Imaginons que nous faisons la file chez Fauchon, et ce, pour pas un rond. Ça y est? Vous retrouvez le sourire?

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