Face à la Chine, les pays occidentaux condamnés à de pathétiques rodomontades

Publié le 19 août 2022
Qu’il s’agisse des Tibétains, des Ouïghours, des opposants chinois, de Hong-Kong ou encore, récemment, de Taïwan, les pays occidentaux gesticulent piteusement, condamnent violations des droits humains et mises au pas, pour faire croire à leurs concitoyens qu’ils ont encore le pouvoir d’agir sur Pékin. Avant de faire le dos rond et profil bas pour se concentrer sur le business as usual.

Mais quelle marge de manœuvre ont-ils alors que les entreprises européennes et américaines n’ont eu de cesse de délocaliser leur production en Chine, avides des bénéfices faramineux générés par une main-d’œuvre s’échinant à la tâche pour des salaires de misère? Lorsque la quasi-totalité de ce que nous consommons est «made in China», traverse les océans avant d’arriver sur les rayons de nos supermarchés et d’irriguer nos économies? Une dépendance y compris technologique et sanitaire, sur laquelle la pandémie de Covid-19 a jeté une lumière crue. 

Dans ce contexte, la récente visite express de moins de 24 heures de la présidente de la Chambre des Représentants américaine Nancy Pelosi à Taiwan a quelque chose de pathétique. Tout comme les rodomontades du président américain Joe Biden, qui claironnait lors d’une conférence de presse en mai dernier à Tokyo que les Etats-Unis défendraient militairement Taïwan en cas d’attaque par la Chine. Une gaffe, rectifiée dès le lendemain, au regard de «l’ambiguïté stratégique» qui régit les relations entre les deux pays, mais aussi une inutile bravade.

Car essayons d’imaginer ce qu’il adviendrait des consommateurs européens et américains – et de ce qu’il reste de leurs entreprises à n’avoir pas été délocalisées – si la Chine décidait de renoncer à les approvisionner? Il y a fort à parier que très rapidement, c’est l’ensemble des citoyens qui exigeraient de leurs responsables politiques qu’ils renoncent à critiquer, sanctionner, défier Pékin. Et ce d’autant plus dans la foulée des sanctions menées tambour battant contre Moscou par Washington et Bruxelles, qui laissent aujourd’hui les pays occidentaux Gros-Jean comme devant, tétanisés par la crainte de manquer de gaz et d’électricité cet hiver; et peu suivis par les autres régions du monde dans leur ostracisme de Poutine. 

Nous voici donc, citoyens et consommateurs européens, réduits à acheter les jouets de nos enfants, nos appareils électro-ménagers, nos vêtements, nos ordinateurs, nos téléphones portables, fabriqués dans un pays qualifié de dictature, régulièrement mis à l’index en matière de respect des droits humains. Les humiliations et les entraves subies par la Haute-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU Michelle Bachelet lors de sa visite, en mai dernier, dans la province de Xinjiang, représentent un formidable bras d’honneur envoyé par la Chine à ce qu’il est convenu d’appeler la «communauté internationale». Une région où la communauté ouïghour subit des atrocités sans que cela n’entrave le flux incessant de marchandises made in China. 

Les pays occidentaux sont-ils condamnés à regarder impuissants la Chine tisser sa toile économique sur le monde, poursuivre son projet de la «Grande Chine», alors que, dans le contexte de la guerre en Ukraine, Pékin et Moscou se rapprochent et organisent, à la fin de ce mois des exercices militaires conjoints pour la deuxième fois cette année? Un rapprochement qui, selon Joe Biden «met en danger la sécurité mondiale». Le président américain met d’ailleurs la pression sur les pays européens pour qu’ils soient à ses côtés dans la croisade politique contre l’hégémonie chinoise. Et pour desserrer la dépendance économique de son pays à l’égard de la Chine, Joe Biden rêve, comme son prédécesseur, de plus de «Made in America» et de moins de «Made in China». Mais est-ce encore possible?

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