Publié le 2 avril 2020

L’infirmière canadienne. – © Flickr

Les tabous sont nombreux, et parmi eux, les menstruations constituent un sujet de choix et aussi un marché passablement inexploré. L'entreprise qui a dominé le monde des tampons hygiéniques pendant des décennies est la marque Tampax. Aujourd'hui, un groupe de startups féroces veut saper ce monopole en atteignant le plus grand nombre possible de vagins, avec une approche plus éthique, écologique et féministe, raconte l’enquête publiée par le journal britannique The Guardian.

C’est en 1929, qu’a été créé le Tampax par un médecin américain, le Dr Earle Haas. Mais ce n’est que sept ans plus tard que l’entrepreneuse d’origine allemande Gertrude Tendrich a enregistré le nom, fondant la société Tampax, et qui l’a ensuite lancé sur le marché (depuis 1997, propriété de Procter & Gamble). 

Depuis lors Tampax règne en maître dans le domaine des tampons hygiéniques, avec 29% du marché mondial (suivi par Johnson&Johnson, avec moins de 20%). L’an dernier, 4,5 milliards de paquets de Tampax ont été achetés dans le monde, mais dans certaines parties de la planète, sa renommée n’a pas encore conquis son public. Si l’objectif est d’atteindre toutes les femmes concernées du monde, les marges de conquête sont donc encore larges. 

Ces dernières années, de nouvelles startups ont fait leur apparition sur le marché: Lola, Cora, Callaly, Ohne, Freda, Flo, Thinx, Modibodi, Flex, Flux, Dame, Daye… Avec des noms très courts et faciles à mémoriser et  tous déterminés à concurrencer Tampax, en offrant aux femmes ce qu’ils considèrent comme les alternatives les plus éthiques et écologiques à ces applicateurs en plastique jetables. 

Tampax est non seulement confronté à de nouvelles marques, mais aussi à une baisse générale des ventes. Selon les études de marché menées par Euromonitor, la consommation mondiale de protections hygiéniques est en baisse constante depuis quelques années: d’un record de 17 milliards de paquets en 2007, elle est tombée à 15,9 milliards en 2018.

Quelles sont les causes de cette baisse? Tout d’abord, l’interruption des menstruations, la richesse de l’offre, les mauvaises idées sur les tampons, les préoccupations concernant leur composition et aussi les préoccupations liées à leur durabilité.

Comme toutes les entreprises nées il y a plusieurs décennies, Tampax a dû changer son apparence pour s’adapter à son époque. En insistant sur la discrétion de ses produits, Tampax a toujours donné l’impression qu’elle considérait les menstruations comme quelque chose à cacher

Ce message est cependant en décalage avec l’esprit actuel. Pourquoi devrions-nous cacher un tampon dans notre manche quand nous allons aux toilettes ou nous inquiéter que quelqu’un puisse nous entendre ouvrir le paquet? Et puis que dire de ces publicités où pendant des années les grandes marques de produits menstruels ont utilisé un liquide bleu, comme pour nous empêcher de voir la couleur du sang?

Chaque protection hygiénique arrivant sur le marché est un produit fabriqué grace à l’entreprise suisse Ruggli, spécialisée dans le développement, la fabrication et la distribution mondiale d’installations et de machines pour la production de tampons hygiéniques, qui détient un quasi-monopole dans ce secteur. Explication donnée par la journaliste du Guardian Sophie Elmhirst qui a visité l’usine située à la périphérie de Coblence, située sur les rives du Rhin. L’un de ses slogans de Ruggli AG est la précision suisse.

C’est cette société qui explique que le matériau principal d’une serviette hygiénique n’est pas seulement fait de coton, mais aussi de rayonne, ou de viscose. Il est obtenu à partir de pâte à bois régénérée, par un processus chimique, sous forme de fibres cellulosiques. C’est ce processus chimique qui préoccupe les consommatrices. Le coton n’est pas aussi impeccable que nous aimerions le penser. Pour en faire un blanc séduisant et le priver de tous les éléments nuisibles que l’on peut trouver dans un champ, il faut le traiter.

Cependant, à l’heure actuelle, il n’existe pas de calculs ou de données scientifiques démontrant la dangerosité des absorbants de la rayonne, bien que l’alarme lancée dans les années 1990 concernant la présence en leur sein de dioxine, une substance probablement cancérigène, se poursuive encore aujourd’hui.

Autres éléments soulevés par le journal britannique: deux des plus grands producteurs de coton au monde sont l’Inde et le Pakistan. Or de nombreuses enquêtes ont révélé à quel point dans ces pays cette industrie est dépendante du travail des enfants. De plus, pour chaque kilo de coton, il faut 10’000 litres d’eau, tout cela pour aider à fabriquer un produit qui sera inséré dans un applicateur en plastique non recyclable…


L’enquête du Guardian c’est par ici.

 

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