Le Djuvec est un plat typique des Balkans. Une sorte de ragoût de porc cuit avec du riz et des légumes. – © Anna Décosterd

Un billet d’humeur pour sourire de nos délires à l’ère de l’obsession alimentaire. Anna Décosterd est auteure du blog culinaire My Sweet Mouette et photographe culinaire autodidacte.

En Suisse, le restau, c’est dégeu. C’est du moins ce qui ressort de l’enquête menée par les journalistes de 24Heures, publiée le 23 février et portant le titre «Des scènes répugnantes découvertes dans les restaurants suisses». Photos de nourriture pourrie jusqu’à la moelle, descriptions de cuisines infectes à vous glacer les sangs, de quoi décourager le plus vaillant des consommateurs. Autant la lecture que le spectacle m’ont fait hésiter entre le fou rire et les larmes. Tout ça chez nous? Oh là là…

Dans ma dernière chronique, je vous parlais de cuisine télévisée. En l’écrivant, je pensais aussi à une émission que je qualifierais plutôt de télé-réalité: «Cauchemar en cuisine» et son emblématique chef-cuisinier-animateur, Philippe Etchebest. Le chef sillonne la France et débarque à l’improviste chez des restaurateurs en perdition qui l’ont appelé à l’aide. Il observe, goûte, puis fulmine, et finalement file en cuisine. Là, il découvre le pot aux roses, généralement assez semblable à ceux que dénoncent les enquêtes de nos journalistes locaux. Ce qu’il y a de bien avec l’ami Philippe, c’est que tout s’arrange à la fin: on attrape seaux et serpillères, on lave tout, on vide les frigos autant que les poubelles, et on apprend à cuisiner (sic). Le restaurant finit par ressembler à un vrai restaurant, les clients sont contents. Les couples se réconcilient. Les enfants sèchent leurs larmes. Les créanciers acceptent de patienter. La vie est si belle, une fois que l’on a bien mangé.

Évidemment, un peu voyeurs et bien planqués dans le canapé, on rigole. On frissonne à l’idée que nous aussi, une fois, peut-être… Non, ce n’est pas possible. On les aurait détectés. Quoi donc? L’odeur, le cafard, la moisissure, que sais-je. Rendons-nous à l’évidence: il faut bien croire que non. Ce n’est plus de la lointaine France que l’on parle, mais du canton de Vaud! Comment faire alors? Chacun y va de sa solution. Certains décident qu’ils ne mangeront plus qu’à la maison. D’autres veulent lancer une armée d’inspecteurs aux trousses des malotrus. Il y a ceux qui pensent que c’est la faute de la Gauche, et ceux qui accusent les Bourgeois. Ceux qui veulent des smileys, et les amateurs de labels. Il faut paraît-il se méfier des lasagnes au buffet et des cartes trop longues. Jauger la qualité de la carte des vins et inspecter les toilettes. Préférer les restaurants dotés de cuisines ouvertes. Demander si le riz a été cuit le jour-même. Quelle affaire, chers lecteurs, quelle affaire!

Ma solution à moi dans tout ça? Je suis navrée, mais je n’en ai pas. Manger la nourriture préparée par les autres est un acte de foi. Au restaurant, chez les amis, chez soi, rien n’est jamais vraiment sûr. Un gigot un tantinet passé et soigneusement «retaillé» par le boucher, c’est déjà arrivé. Votre belle-mère a peut-être décidé de vous empoisonner. L’ergot de seigle a tué plein de gens, il n’y a pas si longtemps. Manger est dangereux, depuis la nuit des temps.


Retrouvez photos et chroniques food sur le blog d’Anna et sur son compte Instagram

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