Publié le 3 février 2020
Un billet d’humeur pour sourire de nos délires à l’ère de l’obsession alimentaire. Anna Décosterd est auteure du blog culinaire My Sweet Mouette et photographe culinaire autodidacte.

«Godzilla est un poulet». Voici ce que j’ai pensé avec un certain effarement en regardant le téléjournal de France 2 le 9 janvier 2020. Pour ceux qui ne le sauraient pas, petite explication: Godzilla est un monstre (à l’origine japonais, mais actuellement surtout américain), issu d’un croisement entre le gorille et la baleine et frappé de gigantisme pour cause d’explosion nucléaire. Héros récurrent des films pop-corn américains, ce pauvre gros lézard surgit toujours au milieu d’une grande ville, s’étant égaré depuis les profondeurs sous-marines. Pataud, bête et énervé, il court dans les rues et casse tout sur son passage, parce qu’il est trop gros pour passer entre les maisons. Un héros plein de muscles et à la tête bien pleine finit toujours par avoir sa peau.

Bon, moi Godzilla, je n’y croyais pas trop, jusqu’à ce que je comprenne qu’il a un cousin: le poulet. De batterie pour être précis. Peur sur la ville…Vous ne me croyez pas? Lisez ces quelques lignes et on en reparle, de Godzilla.

Dans le reportage du JT, intitulé «le syndrome de la viande spaghetti», je découvre un poulet si énorme qu’il ne tient plus sur ses pattes déformées, l’œil fou et le désespoir patent, enfermé dans une cage. Malheureusement pour lui, aucune irradiation en vue, il est simplement le résultat de manipulations génétiques visant à le rendre grand et gras. Pas assez grand cependant pour se venger en détruisant une bonne partie de New York. Dommage…

Mais la vengeance est un plat qui se mange gras, pardon froid. C’est donc post mortem que notre poulet tient sa revanche: sa viande, manquant d’oxygène et de nutriments, contient trop de graisse et se défait en longs filaments, un peu comme des spaghettis (en beaucoup moins joli). Ce n’est pas mauvais pour la santé, nous rassure le monde scientifique. Ben non, c’est juste mauvais tout court. Une viande insipide, sèche et en même temps trop grasse, qui présente mal en filets. Où la retrouvera-t-on si elle est vraiment trop vilaine? Dans les plats préparés. «Bon appétit les amis!» disait fort à propos Uncle Ben, le gentil papy qui dégustait de splendides currys en barquette, entouré de toute sa famille, dans les publicités de mon enfance. (Barquettes accompagnées du fameux riz qui ne colle jamais et qui porte son nom).

Tant de cruauté envers les animaux est révoltant, c’est entendu. La question que je me pose est plutôt d’un autre ordre: à quoi ça sert d’avoir des blancs de poulet plus gros? Si l’on a très faim, ne pourrait-on pas tout simplement en manger deux? Et moins prosaïquement: ne serait-ce pas justement le manque de goût, de plaisir, de bonheur à cuisiner une délicieuse volaille qui nous donnerait cette faim insatiable?

Bien sûr, personnellement, j’ai choisi. Tout d’abord, parce que toute cette souffrance animale m’est intolérable. Ensuite, parce que j’aime manger. Non pas «fournir à mon corps tous les éléments dont il a besoin». Manger. Cuisiner, assaisonner, mitonner, mijoter, partager. Fondre de bonheur devant un tajine parfumé ou un poulet rôti bien doré. De nombreux éleveurs, en Suisse, vous proposent de la viande de qualité, élevée dans la dignité. Ils se battent pour survivre face aux cousins de Godzilla. Si vous avez besoin d’adresses, écrivez-moi.


Retrouvez photos et chroniques food sur le blog d’Anna et sur son compte Instagram

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Accès libre

Réduire pesticides et engrais chimiques en accompagnant les agriculteurs

Pour que les pratiques agricoles évoluent, il faut que les agriculteurs y trouvent leur intérêt et soient accompagnés dans ces changements. Certains pays ont ainsi réussi à réduire durablement l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques. Voici comment.

Bon pour la tête

Non, chère Migros, on ne te dit pas merci!

L’enseigne suisse a annoncé qu’un millier de ses produits verront leur prix baisser en 2025. Bonne nouvelle, mais pourquoi maintenant seulement?

Jacques Pilet
Accès libre

Le défi de la réglementation de la pêche en mer

Le secteur est actuellement régi par des codes dignes du Far West. Puisque les poissons des océans du monde entier appartiennent à tout le monde, les Etats tentent encore de s’accaparer ce qui peut l’être à coups de milliards de subventions à l’industrie de la pêche. Comment y mettre bon (...)

Bon pour la tête
Accès libre

La taxe britannique sur les boissons sucrées est efficace

Depuis 2018, la Grande-Bretagne applique une taxe sur les boissons sucrées. Des chercheurs de l’Université de Cambridge ont étudié comment celle-ci avait influencé la consommation de sucre des Britanniques. Les recherches concluent à l’efficacité de cette mesure: après une année d’application seulement, la consommation de sucre avait sensiblement diminué.

Bon pour la tête
Accès libre

Le véganisme, idiot utile de la société de consommation?

Si le capitalisme s’accommode bien du véganisme, c’est parce que celui-ci s’affirme comme un style de vie particulier participant à la construction identitaire et relevant également d’un courant, voire parfois d’une mode. Le véganisme comporte de ce fait une dimension ontologique importante, «végane» est un attribut du sujet, on «est» (...)

Bon pour la tête

Le couscous calme la douleur de Jacques-André qui retrouve de l’assurance

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Une conseillère fédérale socialiste est contre la 13ème rente AVS, un conseiller aux Etats, également du PS, est pour… Jacques-André se sent tiraillé entre plusieurs tendances politiques. Il ne sait pas non plus que penser de la révolte des paysans français (...)

Patrick Morier-Genoud
Accès libre

Aux origines de l’enseignement agricole, la lutte contre l’insécurité alimentaire

Le réchauffement climatique invite les formations à interroger leurs programmes d’études. Face à l’urgence de la transition environnementale, quelles compétences transmettre en priorité aux professionnels de demain ? Comment les préparer à affronter les défis qui les attendent et à inventer de nouveaux modèles ? Ces questions touchent l’ensemble des spécialités, particulièrement (...)

Accès libre

Marges alimentaires: comme il est bon que personne ne sache

L’Autriche veut la transparence sur les marges alimentaires. La France est déjà en avance. Et la Suisse? Elle n’est nulle part. Malgré des marges records, les plus élevées d’Europe, le Surveillant des prix fait face à la pression des grands distributeurs.

Gare aux patates toxiques!

La «NZZ» fait rarement rire ses lecteurs. Mais elle y parvient parfois… à force de sérieux. Elle publie l’interview du toxicologue Carsten Schleh, auteur du livre «Vorsicht, da steckt Gift drin» («Attention, il y a du poison là-dedans»). On en apprend de belles…

Simon-Pierre a de fortes envies de sucre

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Pour lui, la vie n’est pas tous les jours facile. Il a l’impression que la gauche et les wokes font tout pour la lui gâcher, notamment en s’attaquant à une politicienne qu’il admire et au sucre. Heureusement que Rambo, avec tous (...)

Accès libre

Prune est convaincue que ce n’est pas la taille du poireau qui fait sa saveur

Les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Son frère ayant dénigré le membre reproducteur de son nouvel amoureux, Prune s’interroge sur l’importance de la dimension des pénis. Ce d’autant que la virilité n’est pas sa tasse de rooibos et qu’elle apprécie peu les militaires comme Mike Horn ou (...)

Accès libre

Ce n’est pas parce que votre café est amer qu’il est «plus fort»

Le café – un grain aux multiples possibilités. Le mode d’infusion constitue un choix important: espresso, filtre, piston, percolateur, préparation instantanée, etc. Chaque technique nécessite un équipement, une durée, une température, une pression et une mouture de café, ainsi que des besoins en eau qui lui sont propres.

Accès libre

«Cultiver» des insectes, la solution pour assurer la sécurité alimentaire de l’humanité?

Population toujours plus nombreuse sur la planète, nécessité de trouver de nouvelles ressources… Explorons comment nous serons amenés à repenser notre alimentation. Les essais et réflexions ont déjà commencé. Ce pose notamment la question: les insectes peuvent-ils être une solution?

Accès libre

La grande distribution rogne des parts de marché aux circuits courts

Depuis la reprise normale des activités économiques, les difficultés se multiplient pour les épiceries et magasins en vrac qui valorisent les productions locales et les circuits courts. Dernier exemple en date: l’enseigne «Chez Mamie» à Lausanne est grandement menacée de fermeture. Mais pourquoi une telle tendance alors que les préoccupations (...)

Accès libre

Pénuries, faut-il en faire un fromage?

Bonne nouvelle, nous sommes autosuffisants en raclette et en côtelettes. Ce ne sera certainement pas au goût de certains Verts du bout du lac, mais c’est bien le seul domaine où la Suisse ne risque pas d’être frappée de pénurie.

Accès libre

Les semenciers bio, un enjeu de durabilité et d’indépendance nationale

Crise alimentaire, crise sanitaire, crise écologique ou simplement envie d’apporter un peu de biodiversité et de nature autour de chez soi, le nombre de «mains vertes» se sont multipliées ces dernières années en Suisse, ainsi qu’en Occident de manière générale. L’envie de pouvoir produire une partie plus ou moins grande (...)