La saga de Keira Bell, repentie du changement de sexe, secoue la Grande-Bretagne

Publié le 11 décembre 2020
Un enfant, un adolescent qui veut changer de sexe, trouve-t-il trop facilement une assistance médicale pour accéder à sa demande? C'est la question soulevée par Keira Bell, qui a obtenu, comme le rapporte «The Guardian», la condamnation de la clinique où elle a subi un traitement. Son cas met en lumière un double phénomène: l'augmentation des candidats à la réattribution sexuelle, notamment parmi les mineurs. Mais celle aussi des personnes en «dé-transition», qui veulent réintégrer leur sexe d'origine.

«J’avais des doutes, mais j’ai puisé mon courage sur Internet», a expliqué Keira Bell, 23 ans, devant la Haute Cour de Londres. Elle y a raconté comment, à 14 ans, elle a frappé pour la première fois à la porte de la clinique londonienne Tavistock, spécialisée dans la transition de genre des mineurs. Comment, à 16 ans, elle s’est vu prescrire des bloqueurs de puberté après seulement trois rendez-vous d’une heure. Comment, à 17, elle a reçu des injections de testostérone, et, à 20 ans, subi une ablation des seins.

Et aussi comment, peu de temps après, regrettant une décision prise en état de malaise adolescent, elle a lancé une action en justice contre la clinique. Argument: j’étais trop jeune, je ne me rendais pas compte de ce que je demandais et des conséquences à long terme, comme la stérilité. Le devoir des médecins était de me confronter à ma demande.

La Haute Cour a donné raison à celle qui se dit aujourd’hui «coincée entre deux sexes». Comme le rapporte The Guardian, les juges britanniques ont édicté un arrêt qui fera date: il affirme que les enfants en-dessous de 16 ans ne sont pas en mesure de donner leur consentement éclairé pour l’administration de bloqueurs de puberté. Dorénavant, il faudra, pour cela, le consentement d’un juge.

La santé des mineurs en jeu

Plusieurs journaux britanniques ont prédit une répercussion mondiale à cette décision, et au débat qu’elle suscite. Dans de nombreux pays occidentaux en effet, on observe le même phénomène qu’en Grande-Bretagne : une forte augmentation du nombre des candidats au changement de sexe, notamment parmi les mineurs. A la clinique Tavistock de Londres, ils sont aujourd’hui 3000 en traitement, et 5000 sur la liste d’attente.

Comment être sûrs que toutes ces demandes correspondent à une véritable dysphorie de genre? Comment, tout en accompagnant adéquatement ceux qui en ont besoin, éviter les souffrances de Keira à ceux qui, mal dans leur peau pour d’autres raisons, trouvent dans le changement de sexe une fausse solution à de vrais problèmes?

Dans son article, The Guardian relate le désarroi dans lequel l’arrêt de la Haute Cour de Londres a jeté certains parents d’enfants en transition: pourquoi donner le pouvoir de décision à un juge qui n’a aucune compétence en la matière, plutôt qu’à un médecin qui en a?, demandent-ils. Réponse des partisans d’un contrôle accru: le changement de sexe est devenu un marché médical en expansion, sa logique est celle de l’encouragement à la consommation. Une autre réponse est donnée par les repentis du changement de sexe qui, en Europe et aux Etats-Unis, font entendre leur voix dans les médias. Leur condition a désormais un nom: la dé-transition. Tout se passe en somme comme si, sensibles aux dégâts générés par des siècles de transphobie, les acteurs médicaux, et la société en général, poussaient l’attitude «non-jugeante» jusqu’à la non-assistance à personne mal barrée.

La Suisse − où un enfant de 12 ans peut obtenir un traitement médical en vue d’un changement de sexe indépendamment de l’accord parental − n’échappe pas à ces questionnements. Mais alors qu’ils mériteraient un débat public, celui-ci n’a pas lieu, regrettait, en octobre dernier, la scénariste Stéphane Mitchell dans une tribune parue dans Le Temps. Elle y revenait sur la décision du Conseil National d’accepter la loi dite «d’autodétermination», qui permet à toute personne, sur le base de sa «conviction intime» et par simple déclaration, de changer de sexe à l’Etat civil. Elle citait des études selon lesquelles 60 à 90% des jeunes se questionnant sur leur identité de genre abandonnent toute idée de transition une fois adultes. Elle pointait les cas d’abus, au détriment des femmes, dans les pays pratiquant l’autodétermination.

Et elle concluait: «Les droits des personnes transgenres sont inaliénables. Mais les lois ne doivent pas s’écrire au détriment des droits des filles et des femmes et de la santé des mineurs.»


Lire l’article du Guardian

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