L’autre visage de l’Australie

Publié le 15 juillet 2020
Le mouvement Black Lives Matter a reporté l'attention en Australie sur les mauvais traitements infligés aux Australiens indigènes, victimes d'abus constants depuis la colonisation, ainsi que dépossédés de leurs terres et systématiquement discriminés. Ils ne sont même pas reconnus dans la Constitution du pays. Les choses pourraient changer, comme le rapporte un article de «Mediapart».

Beaucoup se souviennent encore des paroles du Premier ministre Anthony Abbott lorsqu’il a déclaré en 2015 que les communautés autochtones vivaient dans des régions éloignées et dans des conditions d’infériorité économique parce que c’était «leur mode de vie». Des déclarations qui ont suscité de vives critiques, mais qui ont également mis en évidence une autre facette de l’Australie.
Car si le bien-être d’une classe moyenne aisée est une source de fierté en Australie, derrière la richesse de ce pays, une réalité bien différente est présente: celle des quelques 650 000 Aborigènes australiens qui, dans les grandes villes ou confinés dans des réserves sur les territoires les plus défavorisés, luttent pour surmonter la marginalisation et les maladies.
Mais tout cela n’est pas récent: jusqu’aux années 1970, les colons britanniques ont mis en œuvre une politique raciste d’assimilation forcée, de déni de l’identité autochtone et même d’enlèvement d’enfants. A ce propos, même si en 2008, le Premier ministre Kevin Rudd a présenté des excuses officielles pour sa politique d’enlèvement d’enfants, et même lancé un programme intitulé «Closing the gap» (Combler le fossé — entre les communautés autochtones et le reste du pays), très peu de progrès ont été réalisés depuis lors. 
Officiellement abolie dans les années 1970, la politique de séparation des enfants indigènes de leurs parents s’est en fait poursuivie de manière plus sournoise. Une enquête sur le territoire du journal New South Wales publiée en novembre 2019 a montré que les service sociaux pour la protection de l’enfance fournissent régulièrement des «preuves trompeuses» au tribunal pour enfants, choisissent souvent la solution la plus traumatisante en retirant les enfants à leur famille et en interviennant sans consulter la communauté indigène, rapporte Mediapart.

Comportements racistes

Et bien que présentes sur le territoire depuis au moins 50 000 ans, ces communautés ne sont même pas reconnues par la Constitution.
La Déclaration d’Uluru, signée par les représentants de toutes les tribus autochtones en 2017 au pied de ce rocher sacré ne fut qu’un geste symbolique.
Le texte réitérait les principales exigences des peuples autochtones et appelait à des réformes constitutionnelles qui «donnent aux peuples aborigènes les moyens d’agir et d’occuper la place qui leur revient dans leur pays». Six mois plus tard, le premier ministre de l’époque, Malcom Turnbull, rejetait le texte déclarant qu’un changement aussi radical des institutions représentant la Constitution ne pouvait pas être soutenu par une majorité d’Australiens dans la plupart des Etats du pays». 
Mais selon Mediapart, cette année, après les incendies qui ont affaibli le Premier ministre Scott Morrison, les choses pourraient changer. En fait, trois sénateurs conservateurs, James McGrath, Dean Smith et Amanda Stoke, ont tous appelé à un référendum sur la reconnaissance des peuples aborigènes dans la Constitution. 
«Il nous a fallu deux cents ans pour reconnaître les Aborigènes comme les premiers habitants de ce pays, a déclaré à Mediapart David Shoebridge, député vert du parlement du Nouvelle-Galles du Sud. Mais encore aujourd’hui, il n’y a toujours pas de traité. Les Aborigènes représentent 3% de la population australienne. Il n’y a pas de lois ouvertement racistes, mais nous avons des comportements racistes.»


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