Cochon qui s’en dédit!

L’autre jour en faisant mon marché au centre de Lausanne, j’ai vu quelque chose, comme ça, en passant. Quelque chose que je n’avais pas vu depuis si longtemps que j’ai soudain eu un doute. Aurais-je rêvé? Eu la berlue? J’ai rebroussé chemin pour vérifier. Non, je ne m’étais pas trompée. Il trônait là, bien en vue, blanc et crémeux: un pot de saindoux.
Mazette. Du SAINDOUX? Ce tueur silencieux, ce bouche-artères censé vous envoyer ad patres en moins de deux, avec une pancarte «pêché de gourmandise» bien accrochée dans le dos, à la place des ailes? Oui, c’était bien lui. «Et ça se vend?», ai-je demandé à la vendeuse. «Il y a un regain d’intérêt, c’est pour cela qu’on le propose», me répondit-elle logiquement. Question stupide, j’en conviens. Un peu sonnée, je suis rentrée chez moi, des souvenirs de petits déjeuners polonais plein la tête. Le préféré de ma maman? Une tartine de saindoux sur du pain au levain, accompagné de rondelles d’oignons frais. L’âge de ma maman ne regarde qu’elle, mais je constate qu’à l’orée de mes 50 ans, elle se porte comme un charme, fait du vélo, du kayak et du camping, et ne se présentera certainement pas devant Saint-Pierre sans une jolie paire d’ailes, plutôt qu’une vilaine pancarte.
En pensant à la voie céleste qui nous mènera vers d’autres cieux, je sens poindre un sourire sardonique tout au fond de mon cœur: et si je faisais des pommes de terre rissolées au saindoux? Avec un joli verre de rouge, pour faire glisser le gras…Tant qu’à faire, je voudrais commencer par le paradis sur terre.
Pourquoi ce retour en grâce du gras? Le diable se cache dans les détails (et non dans le cochon, comme on l’a cru longtemps). Ce qui nous rend malades, ce n’est pas le gras en soi. C’est sa transformation industrielle. Entre un produit parfaitement artisanal, comme le saindoux de mon boucher préféré, et le paquet de charcuterie de la grande distribution, il y a un monde, rempli de poisons divers, concoctés par nos amis de l’industrie.
Ensuite, comme je l’ai appris en préparant cette chronique, le goût du gras serait inné, (tout comme celui du sucré, du salé, de l’acide ou de l’amer, sans oublier l’umami), selon les recherches du Professeur Besnard, publiées dans Physiological Reviews. Le retour du saindoux serait donc simplement lié à notre condition de mangeurs humains? J’avoue que l’idée me plait.
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