Qui finance la guerre, récolte la migration

Publié le 3 septembre 2018

Le Yémen connaît actuellement l’une des crises humanitaires les plus graves. En effet, la population y manque de presque tout et dépend principalement de l’aide internationale. La migration venant de ce pays est pourtant interdite aux USA. – © UNHCR

Si l’on mettait dans la balance le rôle que les USA jouent dans les causes de l’immigration et le nombre de réfugiés que le continent compte, aucune restriction de la migration ne serait légitime, estime un activiste américain. Le ton est inhabituel et pas seulement pour les Etats-Unis. Et les arguments sont fondés. Selon Khury Petersen-Smith responsable des questions de souveraineté, de militarisation et de migration pour le Think Tank « Institute for Policy Studies » in Washington : on devrait aussi s’occuper des causes de l’émigration (et non, seulement de l’immigration).

Daniela Gschweng Infosperber: texte

Diana-Alice Ramsauer Bon pour la tête: traduction et adaptation


Une grande partie des difficultés actuelles liées notamment à la migration auraient leur fondement dans le passé, selon Khury Petersen-Smith géographe et «activiste». Sa thèse: les problèmes auxquels les Etats-Unis font face aujourd’hui ont en réalité directement été engendrés par eux-mêmes. Deux exemples «en images», tirés d’un article paru dans le journal à but non lucratif In These Times et d’une interview en ligne de The Real News.

Premier exemple: les bandes organisées

Certaines photos peuvent avoir une réelle influence sur l’opinion publique. Cette année, en Amérique et au-delà, ce sont particulièrement les images de jeunes enfants séparés de leurs parents à la frontière américaine qui ont touché la population. Elles ont même conduit à faire fléchir l’administration Trump.

Et malgré tout cela, comment justifier cette politique migratoire sévère à l’encontre des immigrés d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud? En invoquant la lutte contre la criminalité des gangs. Et derrière cet argument se cache une autre image: celle de membres de gangs de rue derrière les barreaux, des hommes lourdement tatoués et menaçants. La plupart d’entre eux font partie de la Mara Salvatrucha, la MS-13, une organisation extrêmement violente dont les membres viennent de pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. Des ennemis jurés du Président Trump. Et pourtant, il s’agit d’un problème que les Etats-Unis se sont créé eux-mêmes au travers de leur politique étrangère d’expulsion.

Comment justifier cette politique migratoire sévère à l’encontre des immigrés d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud? En invoquant la lutte contre la criminalité des gangs. © DR

L’administration de Trump a tendance à prendre toutes les mesures possibles contre la MS-13. Cependant, de nombreuses personnes immigrées non impliquées dans ces organisations souffrent également de la politique de cette tolérance zéro puisque selon les dernières directives aux Etats-Unis, la criminalité des gangs n’est plus un motif d’asile.

Deuxième exemple: le cauchemar Yémen

Les réfugiés du Yémen ne sont pas non plus autorisés à entrer aux USA. Pourtant, le Yémen connaît actuellement l’une des crises humanitaires les plus graves. En effet, la population y manque de presque tout et dépend principalement de l’aide internationale. La guerre civile en cours a lieu entre le gouvernement, qui se décrit comme légitime, et les rebelles – une guerre menée par l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis: en somme, une guerre par procuration, c’est-à-dire un conflit entre pays tiers se déroulant sur le territoire du Yémen. Et là-bas, presque tout y est bombardé: hôpitaux, écoles, marchés, infrastructures (voir aussi le dossier Infosperber: Der Krieg im Jemen).

Capture d’écran de la Deutsche Welle (dw.de)

L’une des dernières images d’actualité à ce sujet?  Un bus scolaire brûlé par la coalition saoudienne le 9 août dernier. Cinquante personnes sont mortes, pour la plupart des enfants. Dans ce conflit, les Etats-Unis soutiennent justement cette coalition saoudienne. Concrètement, pour Khury Petersen-Smith, la situation est la suivante: «Les bombes sont venues des États-Unis. L’avion a été fabriqué aux États-Unis. Les avions [de la coalition] sont ravitaillés par les avions américains…. En fait, les États-Unis font tout, sauf larguer les bombes eux-mêmes.» En outre, ils ont financé la construction d’un mur à la frontière d’Oman pour garder les habitants du Yémen dans leur pays. Dans le dernier budget de la défense des Etats-Unis, ce poste est apparu comme une «aide à la sécurité des frontières» pour Oman.

Un nouvel ennemi à l’horizon

Autre point intéressant selon Khury Petersen-Smith: la manière dont les États-Unis dépensent leur argent. Dans une interview avec «The Real News Network», le spécialiste explique: «Le dernier budget américain est certes déroutant, il en dit pourtant long de la politique étrangère d’“après-guerre contre le terrorisme”.»

Conclusion de la répartition budgétaire au niveau international: les alliés européens ont reçu davantage de fonds et les Etats-Unis ont financé la mise au point d’armes nucléaires à faible puissance explosive. Selon les experts, cette stratégie aurait plutôt tendance à augmenter le risque de guerre nucléaire; chose que les États-Unis se sont engagés à réduire. L’expression «faible puissance explosive» est en fait trompeuse. En réalité, les nouvelles armes auraient tout de même la moitié de la puissance explosive de la bombe d’Hiroshima et pourraient être tirées par des sous-marins. Dire que cela aiderait à lutter contre Al-Qaïda ou l’État islamique est un non-sens, affirme Khury Petersen-Smith. C’est simplement le signe que les Etats-Unis se tiennent prêts pour un conflit militaire contre les grandes puissances comme la Russie ou la Chine.


Cet article a été écrit en allemand par Daniela Gschweng de Infosperber sur la base d’une interview de The Real News Network et d’autres sources.

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