L’histoire trafiquée des «juges étrangers»

Publié le 2 juillet 2017

L’UDC fait campagne contre toute intrusion de la Cour de justice européenne en invoquant le spectre des «juges étrangers à nos vallées» – © Matthias Rihs

En plein débat sur un accord-cadre avec l’UE, l’UDC fait campagne contre toute intrusion de la Cour de justice européenne en invoquant le spectre des «juges étrangers à nos vallées». Mais les «juges étrangers» relèvent pour l’essentiel du mythe. Ils ne sont mentionnés que dans le pacte de 1291 et dans celui de 1315, plus jamais ultérieurement. Ils n’ont été considérés comme un trait constitutif de l’identité suisse qu’à partir des années 1920, dans le contexte de la «Défense spirituelle». A la fin du XIIIe siècle, le seigneur s’entourait d’ailleurs toujours de gens du lieu pour juger.

Quel écolier ne l’a-t-il pas appris? En 1291, les Waldstätten (Uri, Schwytz, Unterwald, les trois cantons primitifs) ont fait le serment de ne plus se soumettre à des juges étrangers à leurs vallées. C’est même écrit en latin dans le pacte qui, selon la tradition, donne naissance à la Suisse.

Dans cette vision historique largement rebattue, les juges étrangers, ce sont les baillis habsbourgeois. Ils sont accusés d’avoir mené la vie dure aux petits paysans d’Uri, Schwyz et Unterwald. La conjuration de ces rudes montagnards était un acte de résistance à l’oppression, le début d’un sentiment national.

Casser la «sujétion» aux juges de Strasbourg

Plus de sept siècles se sont écoulés, et les «juges étrangers» sont revenus dans le débat. Pour l’UDC, la question est même centrale. Le parti a fait aboutir l’an dernier une initiative au titre évocateur: «Le droit suisse au lieu des juges étrangers». Les citoyens seront appelés à voter dans un proche avenir.

L’objectif est simple, du moins en apparence : quand les Suisses votent, leur verdict doit l’emporter automatiquement sur le droit international. Le parti veut casser la « sujétion » de la Suisse aux juges de Strasbourg.  Et interdire toute intrusion de la Cour de justice de l’UE ou de quelque autre tribunal arbitral si le Conseil fédéral devait persister dans la négociation d’un accord-cadre avec Bruxelles – une condition du point de vue européen pour tout nouvel approfondissement des relations bilatérales. Pour l’UDC, le droit international et les juges européens sont les...

Ce contenu est réservé aux abonnés

En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.

Vous accédez à du contenu exclusif :

  • Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement

  • Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau

  • Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay

  • Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens

  • Et bien plus encore… 

Déjà abonné ? Se connecter

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi