Ce grand nom du cinéma romand – on se souvient, entre autres, de La Fille au violoncelle, ou plus récemment, de son Farinet, héros et hors-la-loi – a auparavant pratiqué le reportage pour les télévisions. J’eus l’occasion d’en faire avec lui pour Temps présent. Je me souviens de son sourire, si aimable, si léger. Et aujourd’hui je retrouve son visage, fort grave, avec quelque angoisse dans le regard, à la couverture du livre qu’il vient de publier à l’Aire, Le monde sans visa.
Butler est un modeste: il ne s’est jamais soucié de sa «com», il n’a jamais ressassé ses exploits. Là pourtant, à son grand âge, il a éprouvé le besoin de raconter quelques moments de sa vie qui l’ont marqué. Et c’est très fort. On replonge soudain dans des épisodes historiques d’une violence inouïe que l’on a tendance à oublier. Au Cambodge, au Vietnam. Mais son récit commence en Arabie saoudite et au Yémen, à une époque, dans les années 60, où quasiment personne n’y allait, où les régimes monarchiques ne s’entrouvraient guère au monde. Butler et son équipe savaient ouvrir toutes les portes. Avec une audace tranquille, une curiosité insatiable. Du grand journalisme.
Le souvenir ainsi ressurgi des voyages au Cambodge, au moment où les Khmers rouges avançaient vers le pouvoir face à une armée affaiblie, rappelle que ce fut sanglant, d’une cruauté effroyable. Butler et son équipe partaient de Phnom Penh sur les routes menant au front, croisant hommes, femmes et enfants en fuite, découvrant des charniers. Dans l’un d’eux gisaient les corps mutilés de journalistes américains.
Puis l’infatigable témoin et son équipe se retrouvent au Vietnam, en pleine guerre. Transportés dans un hélicoptère américain au-dessus d’une vaste forêt, sur la colline 760 qui abrite un bunker hérissé de mitrailleuses. Un offic...