Sale temps pour les «bi»

Publié le 4 septembre 2017
Un rendez-vous hebdomadaire pour raconter comment ça rigole et ça pleure, souvent simultanément. Cette chronique d'Anna Lietti paraît le samedi dans 24 heures.

Le refus de la double appartenance n’est pas seulement un thème politique cher aux nationalistes. Lorsqu’il est intériorisé, il distille une violence intime. J’ai rencontré il y a quelques années, dans l’ouest de l’Ukraine, une femme qui incarnait ce refus jusqu’à l’absurde: le russe était sa langue maternelle, comme c’est le cas de plus d’un tiers des citoyens de ce pays. Mais à sa fille, cette personne cultivée prenait soin de ne pas transmettre un seul mot de la langue de sa propre mère. Ses racines russes? Un honteux secret, une tache à effacer. J’appelle ça l’allégeance par amputation.

Le ciel se couvre sur la tête des «bi». Quand je suis arrivée dans ce pays, ni la Suisse, ni l’Italie d’où je viens, n’acceptaient la double nationalité. Dans les années 1990, les lois ont changé, ça paraissait tout naturel, un progrès en accord avec le destin d’une humanité décloisonnée.

Ce n’était pas si naturel: nous voilà, en 2017, en pleine régression. Dans plusieurs pays de l’Union européenne, la double nationalité est remise en cause. En Australie, terre d’immigration par excellence, les parlementaires binationaux démissionnent. Et en Suisse, les populistes ont réussi, avec cette question crétine, à donner le «la» de la campagne pour l’élection au Conseil fédéral. Un premier candidat s’est déjà roulé aux pieds de l’UDC pour y déposer son passeport de trop. Un second se dit prêt à «suspendre» le sien. D’ores et déjà, le gagnant de cette élection a un nom: le soupçon.

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