La «NZZ» fait corriger ses textes… en Bosnie!

C’est une petite entreprise locale qui flairé le business: Tool e Byte, fondée en 2014 par un jeune homme très futé, Michael Theleweit, qui projette de proposer bientôt ses services à la presse francophone, avec des correcteurs à Madagascar, à la presse hispanophone avec une représentation au Pérou.
Le transfert de ces services a provoqué quelques remous à Zurich où plusieurs emplois ont été supprimés. Le responsable de l’édition du groupe CH Media (NZZ plus AZ Medien), Umberto Ferrari, est enchanté de l’opération. Il l’a lancée il y a deux ans et a testé les correctrices de Banja Luca. Celles-ci ont montré toutes les capacités requises. Ces femmes ont quitté leur pays dans leur enfance, au moment de la guerre en ex-Yougoslavie. Réfugiées en Allemagne, elles y font de bonnes études et possèdent aujourd’hui parfaitement la langue de Goethe. Lorsqu’elles durent rentrer chez elles, elles eurent toutes les peines à trouver un emploi avant de dénicher ce job. Pas facile, d’ailleurs. Il leur fallut apprendre certains mots, certaines tournures propres à la Suisse alémanique.
Deux sœurs, Melsada et Melisa, racontent leur histoire. Leur famille bosniaque a été chassée de cette ville serbe du jour au lendemain. Elle dut fuir en Allemagne, puis renvoyée à la fin de la guerre. Toutes deux ont étudié la «Germanistik». «Apprendre les langues, ici, c’est le seul espoir de trouver un emploi.» Les Call Center se multiplient au service d’entreprises étrangères. Ces jeunes femmes dans la trentaine sont désabusées. Elles constatent, comme une grande partie de la population, l’impasse politique. Les tensions entre les trois entités qui composent la Bosnie-Herzégovine, l’absence de perspectives, la corruption. Il y eut pourtant des manifestations contre le pouvoir, survenues après la mort d’un jeune étudiant torturé par la police. Mais les élections ont à nouveau renforcé les nationalistes. «Ace moment, pour la première fois, je me suis demandé si je pourrais continuer à vivre ici», confie la directrice de l’équipe de correctrices, Nadina Hadzic-Dakic. Tout cela sur fond de grade pauvreté et de grisaille sociale. «On ne parle ouvertement qu’avec les siens.» Cela les amuse, prétendent ces femmes, de plonger chaque jour, à partir de cette réalité, dans «le confort villageois helvétique». Avec sous la main, un annuaire des noms suisses.
L’article original de la Wochenzeitzung: Die Korrektorinnen von Banja Luka
À lire aussi