Hodler, un Jeff Koons avant l’heure

Publié le 4 octobre 2017
Grande figure de la peinture suisse, Ferdinand Hodler a savamment construit sa réputation à coup de polémiques et de scandales. A la façon de l’artiste américain Jeff Koons, le Bernois s’est assuré une place au soleil par le voyeurisme et la sensualité, mais avec le talent en plus. En amont de la célébration du centenaire de sa mort en 2018, coup de projecteur sur une personnalité de l’ombre qui cherchait la lumière.

Scandales

Depuis son installation à Genève à l’âge de 19 ans, Ferdinand Hodler entretient une relation de haine-amour avec sa ville d’adoption, que les édiles lui rendent bien. Il ne courtise pas le scandale, mais quand le scandale arrive, il passe maître pour en tirer profit.
Lorsque son immense tableau La Nuit, qui comprend des dormeurs et dormeuses nus enlacés, est refusé à l’occasion de l’exposition municipale genevoise de 1891, il tourne la controverse à son avantage. Accusé de «lubricité» et «d’immoralité», Hodler monte sa propre exposition. Avec la recette des nombreuses entrées, il finance son voyage à Paris où la même toile rencontre un triomphe: sa carrière internationale vient d’être lancée.
Fin stratège des relations publiques, il comprend très tôt l’importance d’assurer sa propre notoriété. A chaque déplacement, il écrit à ses amis journalistes genevois pour les tenir informés de ses succès et leur prier de ne pas oublier de les raconter, opération renouvelée lorsque les Sécessionnistes viennois, et Gustav Klimt en particulier, l’encensent dès le début du XXe siècle.
Polémiques

Entretemps, d’autres mésaventures renforcent sa notoriété dans son propre pays. Persuadé que la disparition de 3 des 26 tableaux de Suisses qu’il a préparés pour l’exposition nationale de 1896 a été commanditée par les instances dirigeantes, il profite du banquet d’ouverture pour dénoncer ses hôtes avec véhémence.
Hodler ne laisse personne indifférent. Lorsque le directeur du Musée nationale suisse s’érige contre le caractère trop brutal et morbide (réaliste) des fresques que le peintre propose pour illustrer «La retraite de Marignan» – la bataille que les Suisses perdent contre les Français en 1515 – la polémique devient nationale. Résultat des courses: 20 000 visiteurs accourent...

Ce contenu est réservé aux abonnés

En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.

Vous accédez à du contenu exclusif :

  • Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement

  • Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau

  • Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay

  • Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens

  • Et bien plus encore… 

Déjà abonné ? Se connecter

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Accès libre

Hodler, la locomotive suisse de la modernité face à ses émules

Pour montrer la forte influence de Ferdinand Hodler sur plusieurs générations de peintres suisses, le Musée d’art de Pully et le Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel proposent un parcours singulier. Les thèmes iconiques du maître s’y déclinent à travers une cinquantaine d’artistes suisses de la première moitié du 20e (...)

Michèle Laird

La sélection, clé de voûte de l’art

Une visite à Gand et ses merveilles de la Renaissance offre une occasion de se demander comment on sélectionnait les artistes alors, et comment on s’y prend aujourd’hui. Et pourquoi cette sélection détermine en grande partie notre perception de la scène artistique.

David Laufer

Les connexions nazies des musées de Zagreb et de Belgrade: un héritage empoisonné

C’est l’histoire de la provenance plus que problématique de certains des principaux joyaux artistiques du musée Mimara de Zagreb et du Musée national de Belgrade. Certaines des œuvres les plus précieuses et importantes sont en effet entachées de connexions nazies et de pillages, ainsi que d’une ignorance délibérée des autorités.

David Laufer

Oskar Kokoschka: apologie du dessin

Aglaja Kempf, conservatrice de la Fondation Oskar Kokoschka, présente dans un splendide nouvel ouvrage publié ces jours-ci aux Cahiers dessinés,150 dessins du maitre. Tous sont issus de la collection de la Fondation, riche de 2’300 œuvres aux techniques variées.

Yves Tenret

Cinq raisons de ne pas oublier Oskar Kokoschka

Le Musée d’Art Moderne de Paris présente «Oskar Kokoschka. Un fauve à Vienne», la première rétrospective de cet iconique artiste, dramaturge et poète viennois. La carrière de «l’enfant terrible» débute au cœur de la Sécession, Kokoschka et sa légende passent les frontières, traversent l’Europe du XXème siècle, jusqu’à la fin (...)

Accès libre

Trésors d’Apsley House: le mors et le dentier

Situé au numéro 149 de Picadilly, à l’un des points d’intersection les plus animés de Londres, Apsley House est un bâtiment qui a l’air de se demander ce qu’il fait encore là. Erigé au XVIIIème siècle, il marquait alors à lui seul le commencement de la cité de Londres, quand (...)

Edvard Munch, autoportrait en créateur tourmenté

L’exposition parisienne du Musée d’Orsay rend sa place et sa complexité à l’artiste norvégien (1863-1944), observateur affûté de l’âme humaine, bien au-delà de son seul «Cri», chef d’œuvre glaçant…

Accès libre

Des montagnes magiques de Kozuck émane une vraie poésie

L’artiste belge aux origines polonaises expose une série de peintures dont l’hyperréalisme apparent, proche de la représentation photographique, traduit cependant une vision plus intérieure et complexe. A découvrir dans la merveilleuse galerie de La Tine, à Troistorrents, jusqu’au 17 septembre.

Accès libre

Pieter de Hooch, peintre à l’infinitif

Le XVIIème siècle est celui de l’âge d’or de la peinture hollandaise. A cette époque, dit-on, dans cette république calviniste, cette toute première démocratie capitaliste, chaque Hollandais possédait au moins un tableau chez lui. D’où l’incroyable développement d’un marché de l’art déjà spéculatif, commerce de luxe pour un mercantilisme triomphant (...)

Accès libre

Stendhal en voyage

De Taine à Giono, en passant par Léautaud, ils sont tant à avoir passionnément aimé Stendhal! Et ce n’est pas fini. L’œuvre est si vaste et excède si largement l’univers du roman. Tous les jours, de nouveaux admirateurs lui naissent. En puissant dans le «Journal», les «Souvenirs d’égotisme», la «Vie (...)

Accès libre

Visite méditative et enchantée au centre Paul Klee de Berne

Dans «Paul Klee, jusqu’au fond de l’avenir», qui vient de paraître aux Editions Arléa, Stéphane Lambert nous entraîne sur les traces de l’artiste, entre réalité quotidienne et mythologie immémoriale, questionnant le lien entre le paysage montagneux, l’ancrage au sol et la vision lunaire de l’artiste.

Monique Jacot, territoires secrets

Ses reportages ont été publiés dans les magazines les plus prestigieux, Du, Vogue, Camera. Qui l’ont conduite en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. Monique Jacot – elle est née en 1934 – est une inlassable chercheuse. Ce qui fait d’elle bien davantage qu’une photographe. Les travaux qu’elle mène depuis (...)

Le télévernissage de Poussin

Les restrictions et les précautions imposées par le coronavirus ont encouragé la galerie lausannoise RichterBuxtorf à organiser un vernissage original pour la belle exposition du dessinateur et peintre genevois Gérald Poussin. Les visiteurs ont trinqué, qui a Genève, qui à Lausanne, New York, Paris ou Marseille…

Gérard de Palézieux, la présence et le Temps

Artiste discret, sinon secret, Gérard de Palézieux (1919-2012) a suivi sa propre voie, son propre chemin, en dehors des modes et des courants dominants. Au fil d’une carrière toute de probité, à la fois de graveur, de dessinateur et de peintre. De cette œuvre, qui l’impose comme l’un de nos (...)

Pajak dans le siècle

Point n’est besoin de présenter Frédéric Pajak. L’un de nos écrivains les plus talentueux et surtout les plus originaux. Encore que ce terme d’écrivain ne s’applique guère à ce fils de peintre. Est par trop réducteur s’agissant de son travail qui mêle écriture et dessin. N’a-t-il pas créé, il y (...)

Accès libre

Après Polanski, interdisons Gauguin, Léonard de Vinci, Chaplin, Aragon!

Les tentatives de censure que subit Roman Polanski à l’occasion de la sortie de son nouveau film («J’accuse») commencent à s’étendre à d’autres artistes. Et non des moindres.