L’art brut, au bord de l’extinction?

Publié le 8 août 2017
La distinction entre art et art brut toucherait à sa fin. Inventé pour qualifier une expression artistique virginale, l’art brut se dissoudrait dans l’inter-connectivité de notre époque et dans l’attribution trop libérale du label.

Deux expositions simultanées à la Collection de l’Art Brut de Lausanne dégagent un parfum de fin d’époque. Auteurs d’univers improbables, Michael Golz et Anna Zemánková auraient le profil d’auteurs d’art brut. Mais le fait d’avoir autant de talent pourrait les faire basculer du côté des artistes.
 
L’héritage Dubuffet

Dans son crédo de 1949, Jean Dubuffet lançait le concept de l’art brut:
«Nous entendons par là [art brut] des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique… l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions.»
 
Les auteurs de l’art brut (terme préféré à celui d’artiste) étaient ces individus dont l’échappatoire à la solitude, la folie ou au désarroi était une expression artistique hors-norme. Ils avaient en commun de ne pas être conscients de la valeur de leur travail.
 
Penser aux Suisses Aloïse et Adolf Wölfli et à l’Américain, Henry Darger dont les œuvres sont parmi les premières à être entrées dans la collection de Dubuffet, offerte à la ville de Lausanne en 1971 et qui forme le socle de la Collection de l’Art Brut.
 
L’après Dubuffet
 
Entretemps, le marché de l’art s’est emparé de l’art brut, présenté sous les diverses appellations de: art cru (raw art), art visionnaire, outsider art, «création franche».
Plus d’une dizaine de musées et d’innombrables galeries sont consacrés à ce volet de l’art, qui comprend à présent la photo et le numérique. 
Pour élargir le champ de l'art brut, certains incluent l'art primitif ou naïf, alors que Dubuffet avait pris le soin de les identifier à part dans sa propre collection. 

Comment, dès lors, découvrir de nouveaux auteurs d'art brut et les protéger de la soif du marché qui veut de la production...

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