«Le Pain perdu» et la mémoire retrouvée

Edith Bruck est une auteure et réalisatrice italienne, d’origine hongroise. Il y a deux ans, à 89 ans, elle a retrouvé la mémoire, son pain quotidien, pour écrire le récit de son enfance dans un modeste village hongrois, sa déportation à Auschwitz, et de sa vie après la mort des camps. Les Editions du sous-sol ont présenté cette année, dans un petit livre très délicat et poignant dès la couverture, la traduction française par l’excellent René de Ceccatty, cet auteur et traducteur qui met en lumière dans le monde francophone ce qui s’écrit de meilleur en Italie. Si la version originale italienne est déjà un trésor stylistique, avec des phrases profondes, méditatives, sèches et sans lyrisme mais bien vivantes, dans un ton qui prend à témoin et laisse passer l’émotion sans détour, la traduction française valorise encore davantage l’écrit avec des phrases aux mots si simples et poignants, du genre: «Je voulais retourner dans le ventre de maman et ne plus devoir naître.» Mais au-delà du style, c’est le propos de l’auteure qui transcende l’âme, qui la nourrit de ce pain qu’est la mémoire. Ce pain qu’elle avait perdu, que nous perdons tous trop souvent, et qu’elle retrouve avec gravité, qu’elle retrouve pour nous le donner.
«Nous n’avons, nous, ni Purgatoire ni Paradis, mais l’Enfer, je l’ai connu, où le doigt de Mengele indiquait la gauche qui était le feu et la droite qui était l’agonie du travail forcé, les expérimentations et la mort de faim et de froid.»
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