Édition du 2 juin 2023

L’Ukraine, miroir de nos vanités

La guerre d’Ukraine a pulvérisé les grands principes sur lesquels a été bâtie l’Europe des traités de Maastricht (1992) et de Lisbonne (2009). En plaçant les États sous la tutelle d’institutions supranationales, en élevant les droits individuels au-dessus de l’intérêt collectif, en prônant la libre circulation des hommes et des marchandises, en conduisant une «transition écologique» audacieuse et coûteuse, l’Europe s’était voulue une nouvelle fois à la pointe du progrès et de la civilisation. Elle s’était présentée comme un modèle pour le reste du monde. Cette arrogance n’est plus. Le soutien à l’Ukraine, tout à fait compréhensible et légitime, nous a conduits à renier nos «grands principes» et nos «valeurs» insurpassables qui devaient ouvrir la voie à une nouvelle humanité débarrassée des archaïsmes du passé…

Le conflit a débuté en 2014 dans les plaines du Donbass, sans que nous y prenions garde. D’abord de faible intensité (deux ou trois dizaines de milliers de victimes «seulement» en huit ans), il a connu un tournant brutal le 24 février 2022 avec l’offensive russe, très vite stoppée par la résistance de l’armée ukrainienne.

Aujourd’hui, en attendant une hypothétique contre-offensive ukrainienne, les combattants s’enterrent dans des tranchées sous un déluge d’artillerie. C’est le retour des pires clichés de la Première Guerre mondiale.

Cette antithèse de notre antienne: «l’Europe, c’est la paix!» constitue une terrible régression pour les Européens qui vivaient depuis l’effondrement de l’URSS (1991) dans la satisfaction béate d’avoir apporté la paix et la prospérité au Vieux Continent. Nous prenions pour argent comptant la thèse de l’Américain Francis Fukuyama sur La Fin de l’Histoire (1992) et, tels des adolescents attardés, nous tendions à croire que nous étions la génération désignée par le Destin pour inaugurer l’Age d’Or à coup de bons sentiments.

La gauche radicale reprit à son compte les «luttes intersectionnelles» venues des universités américaines. Au nom de la lutte contre les discriminations raciales, sexistes et autres, elle entreprit de faire table rase du passé. Investissant les cercles du pouvoir, elle prétendit en finir une fois pour toutes avec les frontières et les identités nationales et même sexuelles. On allait voir ce qu’on allait voir!… Lire la suite…