Incarner la Shoah, lutter contre l’anonymisation des victimes

Cette anthologie regroupe vingt-six textes d’Hanna Krall, parus ici ou là entre 1993 et 2003, pour certains inédits. Ils parlent de la Shoah en Pologne, ce sont des reportages de l’autrice qui a recueilli des récits, des témoignages de survivants. Chaque récit évoque des destins. Et l’on prend conscience que la Shoah, au-delà des chiffres, au-delà du grand récit officiel, a bouleversé des millions de vies. C’est une chose de savoir que le ghetto de Varsovie a existé, c’est autre chose de connaître le nom du dernier Juif de la ville de Lubrianec, Kalme Lewkowski. A Auschwitz, il travaillait au Sonderkommando, au four crématoire, et il y a jeté les corps de quatre de ses enfants. Ces récits racontent comment des milliers de Juifs sont allés à la mort sans se révolter, mais aussi comment en 1943 a eu lieu une révolte dans le camp de concentration de Sobibòr. Ils racontent comment des Polonais ont aidé des Juifs et comment d’autres les ont dénoncés. «Depuis Prendre le bon Dieu de vitesse (1977), Hanna Krall explore le destin tragique des juifs polonais, des survivants de la Shoah. Plus largement, elle prête sa voix à tous ceux qui portent en eux une blessure indélébile, qu’ils soient juifs, polonais ou allemands… Engagée du côté de la mémoire, elle n’a écrit au fond qu’un seul et même livre immense, contre l’oubli», écrit son éditeur. Toutes les victimes des massacres que l’on voit à la TV avaient des noms et des prénoms, des existences aussi concrètes que les nôtres, ce livre nous le rappelle.
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